dimanche 19 août 2012

Ah, ces progressistes...

Les 10 ans de lois Hartz en Allemagne 
par Luis Casado, 17/8/2012. Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala
Traduction disponible : Português  
Chacun célèbre les anniversaires qu’il peut, voilà donc les Allemands "célébrant" les dix ans des lois Hartz,  à ne pas confondre avec Herz - cœur – dont M. Hartz manquait singulièrement.
Ce DRH - comme on dit maintenant – de Volkswagen, a proposé à Gerhard Schröder, alors chancelier social-démocrate, une série de réformes visant  à augmenter la flexibilité du marché du travail, éminent  objectif qu’on peut aussi  appeler “baiser les  travailleursˮ. Ses propositions furent rapidement adoptées, ce qui provoqua la démission du ministre des Finances, Oskar Lafontaine et la division du SPD, le parti social-démocrate.
Les lois Hartz sont aujourd'hui sont l'huile de ricin que l'Allemagne veut faire avaler aux  pays du sud de l'Europe, comme si ceux-ci avaient fait l'objet d'un Anschluss, pour qu’ils retrouvent leur «compétitivité».
Schröder, arrivé au pouvoir en 1998, a rompu en 1999 avec le projet keynésien du SPD (distribuer le gâteau) et a imposé des mesures "libérales" comme unique voie vers le nirvana. Avec Tony Blair - “ma plus grande réussiteˮ, selon  Margaret Thatcher -, Schröder a tenté de théoriser cette conversion au néolibéralisme sous l’enseigne pas très bien trouvée  de «troisième voie».
Des lois inspirées par le DRH de Volkswagen la plus célèbre est «Hartz IV» qui réformé l'assurance-chômage au détriment des salariés. À de nombreuses reprises, j'ai montré que, pour les néolibéraux, le stimulant le plus efficace pour rendre les  travailleurs assidus et productifs, c'est la faim: nous y voilà.
 
Remise du Prix du ​​ «chômeur de l'année" par  Winfried Besslich
Libéralisant le marché du travail allemand, Gerhard Schröder a ouvert la porte pour que les employeurs puissent payer des  salaires mensuels de 400 euros, ou un euro par jour pour les chômeurs. On a également favorisé le travail à temps partiel et temps de travail "flexibilisé". La loi Hartz IV a réduit l’allocation de chômage à un an seulement, sans prise en compte des années de cotisation. Après un an de chômage, les chômeurs tombent tous dans la catégorie Arbeitslosengeld  II (allocation de chômage II), ils reçoivent mensuellement 374 euros. Dès lors, le chômeur Hartz IV subit un contrôle permanent de son train de vie et de sa recherche d'emploi. Avant de toucher son allocation -pour laquelle il a cotisé  de sa poche -, il doit avoir dépensé la majeure partie de ses économies. Il doit aussi accepter n'importe quel travail proposé par l'agence pour l’emploi, même avec un salaire d'un euro de l'heure, en gardant une partie de sa maigre allocation.
Comme on pouvait s’y attendre, «Hartz IV» est devenu un autre nom pour indigence. Tout le monde a essayé de sortir de cette catégorie, ce qui a dynamisé le fonctionnement du marché au profit de l'emploi précaire, qui a fortement augmenté. L'un des effets les plus remarquables des lois Hartz a été la baisse du coût de la main-d'œuvre pour les entreprises: salaire minimum = profit maximum, une autre façon de voir le soi-disant «compétitivité».
"Seuls ceux qui travaillent peuvent aussi manger" - Franz Müntefering, ministre social-démocrate  du Travail, 2006
Une autre conséquence a à voir avec la baisse de la consommation et donc l'amélioration de la balance commerciale allemande au détriment de ses partenaires commerciaux dans l'Union européenne. Mais même les partisans des lois Hartz reconnaissent qu’à partir de 2005 c’est la croissance mondiale qui a soutenu l'économie allemande. Les produits allemands ont gardé des prix  raisonnables au prix d’un serrage de ceinture des travailleurs. La demande intérieure est restée faible jusqu’en 2011 et ne réussit  pas encore à soutenir la croissance économique teutonne.
Fait intéressant, lorsque les comptes allemands étaient au rouge en 2005, Gerhard Schröder, a négocié avec Jacques Chirac  la suspension des sanctions prévues par le traité de Maastricht, celles-là même qu’Angela Merkel applique aujourd’hui avec une telle rigueur à la Grèce et à l'Espagne.
Avant de quitter la chancellerie allemande Gerhard Schröder s’est occupé avant tout de son propre avenir: il a fourni des crédits au conglomérat russe Gazprom, qui lui a renvoyé l’ascenseur en le nommant à un poste juteux. Tony Blair, son ami de la Troisième Voie, a "accepté" un  poste de conseiller dans une banque yankee pour un million de dollars par an. On voit que la social-démocratie se soucie des travailleurs...
Une autre conséquence non négligeable a à voir avec la refonte de la structure politique: la gauche du SPD et des groupes de militants syndicaux se sont  alliés avec d'ex- communistes de RDA, pour former Die Linke. Le SPD, malade jusqu'à présent des lois Hartz, a remporté 23% des voix en 2009, -19 points de moins qu'en 1998 - le chiffre le plus bas de l'après-guerre. Les électeurs préfèrent Die Linke, ou les Verts. Les centristes – démarche naturelle ? - soutiennent Merkel, c'est-à-dire la  droite. Comme l'a écrit la presse européenne, Gerhard Schröder aura été le fossoyeur des ambitions du SPD.
Pendant ce temps, les effets des lois Hartz se font toujours sentir : bas salaires, pauvreté des enfants, accroissement des inégalités. Tant et si bien que le droit allemand a récemment reconnu l'importance du salaire minimum pour toutes les branches de l'industrie et aussi pour le travail temporaire, tandis que la Cour suprême de Karlsruhe a forcé le gouvernement à réévaluer le montant des allocations familiales.
Comme nous autres Chiliens n'avons rien inventé, au Chili les lois Hartz s’appellent “lois de la Concertationˮ. Et Merkel, auf Spanisch, "Piñera".
 

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