mardi 24 janvier 2012

Georges Ibrahim Abdallah, otage de la France-L'ancien chef de la DST : "Nous avons organisé un complot contre lui"

C’est un secret de polichinelle que le militant révolutionnaire Georges Abdallah, largement ignoré par les médias occidentaux, a été illégalement condamné à une peine de prison à vie qu’il purge depuis trois décennies. Mais les autorités françaises n’ont de cesse de le garder derrière les barreaux, alors qu’il aurait légalement déjà dû sortir de prison.


Abdallah aurait tout d’abord dû être libéré de prison après 18 mois. Mais son cas a rapidement pris une tournure très différente, conduisant à sa condamnation et à son emprisonnement à vie - Photo : Marwan Tahtah
Les autorités françaises insistent sur le maintien d’un ex-combattant des Factions Armées Révolutionnaires Libanaises (FARL) en prison, malgré le fait que 28 ans se soient écoulées depuis qu’il a été placé en détention. Ceci est une violation des plus graves des procédures juridiques françaises et de la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui stipule que les détenus condamnés à une peine à perpétuité doivent être libéré après avoir purgé une période maximale de 18 ans.
Georges Ibrahim Abdallah, qui a commencé son combat en tant que membre du Parti Social-Nationaliste Syrien (PSNS), puis du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) avant de rejoindre les FARL, a été arrêté à Lyon ’en octobre 1984. À l’époque, les FARL étaient accusées d’un certain nombre d’opérations de type commando, la plus importante étant celle qui avait conduit à la mort de l’attaché militaire américain à Paris, Charles Robert Ray (le 18 Janvier 1982) et à celle du diplomate israélien Yaacov Bar-Simantov (le 3 avril 1982). Initialement, les autorités françaises ne parvenaient pas à trouver assez de preuves pour accuser Abdallah d’avoir participé à ces opérations. En dehors de quelques tracts établissant qu’il appartenait aux FARL et d’un faux passeport algérien en sa possession, les autorités françaises peinaient à organiser un procès contre lui. Par conséquent, quand il a comparu la première fois devant le tribunal  en juillet 1986, il avait été inculpé d'un seul délit, l’utilisation d’un document de voyage falsifié.Dans ses mémoires, intitulés Les Années de l’Elysée, et publiés en 1988, Jacques Attali, le conseiller du président François Mitterrand, a écrit le 6 mars 1985 : « Nous n’avons aucune preuve contre Georges Ibrahim Abdallah. La seule chose dont nous pouvons l’accuser c’est d’être en possession d’un faux passeport ».
A l’origine, Abdallah aurait dû être libéré de prison après 18 mois. Mais son cas à vite pris une tournure très différente, conduisant à sa condamnation et à l’emprisonnement à vie.
Isabelle Coutant-Peyre, qui était membre de l’équipe de la défense d’Abdallah (alors dirigée par le célèbre avocat Jacques Vergès), rappelle les détails de la « conspiration judiciaire » contre les révolutionnaires libanais : « Abdallah a été soudainement rappelé à la cour le 28 février 1987. Nous avons été surpris qu’il se soit alors retrouvé face à des charges différentes et à de nouvelles preuves qui n’étaient pas incluses dans son dossier lors du premier procès. L’accusation a affirmé que des armes avaient été trouvées dans des cachettes secrètes et des appartements appartenant à Abdallah. Ceci a été pris comme une preuve de sa participation dans les opérations de commando menées par les FARL en France en 1982 ».
Et Coutant-Peyre d’ajouter : « Le tribunal n’a pas hésité à condamner notre client à la prison à vie, malgré les protestations de l’équipe de la défense que les preuves contre lui n’étaient pas incluses dans le procès initial et avaient été fabriquées plus tard pour le faire condamner rétroactivement. Cela a été une violation des plus graves de la procédure légale ». Il était clair que Abdallah était devenu la victime d’un complot des services de renseignement.
Toutefois, les détails de la conspiration mise au point par la DST française n’ont pas été révélées avant le 10e anniversaire de la condamnation d’Abdallah. Dans ses mémoires, intitulées Contre-espionnage, mémoires d'un patron de la DST, l’ancien directeur du renseignement français, Yves Bonnet, a également révélé quelques-uns des fils de la conspiration.
« Nous avons été en mesure de recueillir suffisamment d’informations contre Abdallah après que la tête du réseau anti-terroriste, Jean-François Clair, eut réussi à recruter un informateur qui était très proche des FARL », écrit Bonnet. Il mentionnait l’informateur de l’époque comme étant « Jean-Paul M. » en indiquant aussi qu’il était avocat.
En juillet 2001, alors qu’Abdallah était déjà en prison depuis 17 ans, l’avocat Jean-Paul Mazurier, un membre de l’équipe de la défense d’Abdallah, a jeté une bombe qui a secoué le système judiciaire français. Dans une longue interview au journal Libération, il a avoué être l’informateur évoqué par Yves Bonnet. L’avocat a révélé en détail comment les services français de renseignement l’avaient recruté pour espionner son client (ce qui est en soi un élément suffisant pour une annulation de la peine d’Abdallah).
Mazurier a ajouté que la DST lui avait dit de faire en sorte que son client pense qu’il partageait ses convictions révolutionnaires et qu’il était en faveur de la lutte pour la cause palestinienne. Abdallah a commencé à lui faire confiance et lui a permis de rencontrer ses amis des FARL au Liban. Ceci a rendu plus facile pour les services de renseignement français la pénétration dans le groupe et la collecte d’éléments pour faire ensuite condamner Abdallah.
A la suite du scandale déclenché par les aveux de l’avocat-informateur, tout le monde s’attendait à ce que l’équipe de défense d’Abdallah présente une requête à la cour pour reconsidérer la condamnation de son client. La loi française interdit que l’on ait recours à des avocats, des médecins ou des journalistes pour espionner des accusés et pour recueillir des preuves contre eux.
Toutefois, l’équipe de la défense a pris une autre décision. Elle a décidé d’attendre jusqu’en 2002 pour présenter une demande de libération d’Abdallah après qu'il eut purgé sa peine. Malgré le rejet systématique de ces demandes répétées sur une période de dix ans, l’équipe de la défense s’est abstenue de de déposer une requête en annulation de la condamnation sur la base de l’incident d’espionnage. Tous ceux de l’équipe de la défense, avec qui Al-Akhbar a pu parler, ont refusé d’expliquer les raisons derrière cette non-décision. L’un d’entre eux a déclaré : « Cette question devrait être posée aux camarades d’Abdallah dans les FARL ».
Quant à l’ancien directeur de la DST, Yves Bonnet, il admet maintenant que ce qui s’est passé était "une conspiration illégale du renseignement".
« Nous nous sommes vraiment comportés comme des criminels dans cette affaire », a-t-il dit, ajoutant : « Je dois ajouter ma voix aujourd’hui à ceux qui appellent à la libération d’Abdallah. Il est temps de mettre un terme à l’injustice dont nous nous sommes rendus responsables à son égard ».

Consultez le site pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah

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