vendredi 23 décembre 2011

Histoire de la Pastèque et des Quarante Prisonniers

par Ameer Makhoul. Traduit par  Najib Aloui , Tlaxcala

Le vendredi 24 juin à midi quarante-six, l’administration des prisons israéliennes offre pour la première fois en 2011 de la pastèque aux prisonniers palestiniens de Gilboa, raconte Amir Makhoul : Le règlement officiel fixe la quantité de fruits à laquelle a droit chaque prisonnier à 180 grammes par jour. C’est un de nos droits fondamentaux. Quelques jours auparavant cependant, les fruits étaient absents et pour les remplacer, chaque prisonnier recevait un oignon.
Portées par les vagues d’émotion primaire soulevées par les déclarations de leur Premier ministre Netanyahou, des clameurs se sont élevées en Israël pour exiger la vengeance. Contre qui ? Contre les 7000 prisonniers palestiniens et arabes de la liberté détenus dans les prisons israéliennes.

Netanyahou a parlé lors de la conférence de Shimon Perès qui s’est tenue le 23 juin 2011, la veille du cinquième anniversaire de la capture par le Mouvement de la Résistance Islamique (Hamas) d’un soldat de l’occupation israélienne et dans un climat marqué par l’amplification de la campagne populaire réclamant un accord d’échange de prisonniers en vue du retour du dit soldat. Netanyahou a annoncé la fin de « l’ère des privilèges » pour les 7000 prisonniers, la fin des  « festins gras » et la fin de l’autorisation donnée à quelques centaines d’entre eux de poursuivre leurs études par correspondance avec l’université ouverte israélienne, études que ces prisonniers, il faut le rappeler, paient de leurs poches. Pour encore assouvir le désir de vengeance, ce Premier ministre a annoncé qu’il avait donné des instructions précises aux administrations des prisons pour que les conditions de détention dans ces prisons colonialistes et racistes soient rendues encore plus dures.  
Pour leur part, les médias israéliens les plus en vue, fidèles à leur rôle de médias aux ordres que n’embarrassent ni la déontologie ni la simple pudeur, n’ont pas pu s’empêcher d’étaler la jouissance que leur procure à l’avance l’idée de voir les conditions de vie des prisonniers encore empirer. Ainsi en est-il de Ayala Hasson, journaliste bien connue et présentatrice-vedette de l’émission hebdomadaire Yoman, qui n’a pas trouvé mieux, lors de l’émission du vendredi 24 juin, que de dire le « sentiment de révolte » que suscite en elle cette « chose abominable », ce « gâchis intolérable » que constituent les « festins de poulet » que prennent les prisonniers. Il est peut-être bon de dire ici que ces festins consistent en un seul poulet- payé de la poche des prisonniers afin de pallier l’insuffisance de nourriture- partagé entre huit prisonniers entassés dans une cellule où chacun a droit à moins de deux mètres carrés d’espace. Ajoutons encore que ce poulet est accompagné d’un piment fort dont la brûlure est pour le prisonnier jouissance incomparable en ce lieu de misère carcérale israélienne.
 
A travers la performance télévisuelle d'Ayala Hasson, nous touchons du doigt le fond de la « civilisation » colonialiste israélienne, un fond qui n’est fait de rien d’autre que d’arrogance et de vilénie. C’est la civilisation officielle des médias israéliens pour lesquels le mensonge éhonté n’est qu’instrument pour d’abord légitimer ensuite amplifier la jouissance qu’offre le spectacle de la souffrance palestinienne.
Mushir Abdelrahman/MaanImages

Le vendredi 24 juin à midi quarante-six, l’administration des prisons offre pour la première fois en 2011 de la pastèque aux prisonniers. Le règlement officiel fixe la quantité de fruits à laquelle a droit chaque prisonnier à 180 grammes par jour. C’est un de nos droits fondamentaux. Quelques jours auparavant cependant, les fruits étaient absents et pour les remplacer, chaque prisonnier recevait un oignon.
Mais aujourd’hui, à notre grand étonnement, on nous a donné à savourer de la pastèque et chacun a eu sa part. Les sept sections de la prison comptent chacune 120 prisonniers et chaque section a reçu son lot, à savoir trois pastèques. 
 
Il faut dire qu’ici, les prisonniers sont regroupés, selon l’origine géographique, en sections séparées et isolées les unes des autres. Ainsi, les prisonniers du Golan, d’al Qods et de l’intérieur sont ensemble et à part, ceux de la Cisjordanie également, de même que ceux de Gaza. Dans les prisons du Sud, les prisonniers sont séparés selon l’appartenance aux différents mouvements de la résistance palestinienne  avec comme impératif spécial, la séparation des prisonniers du Fatah de ceux du Hamas. Il faut encore préciser ici que les détenus des prisons israéliennes du sud sont interdits de visite familiale ou autre depuis quatre ans.
 
Pour revenir à nos pastèques, trois pastèques de taille moyenne à diviser entre 120 prisonniers, soit une pastèque à découper en 40 tranches égales, que faire ? Une tâche extrêmement difficile que les membres de l’ équipe de prisonniers affectés à la distribution de nourriture se sont employés à accomplir de leur mieux en allouant à chacun un triangle isocèle dont les deux côtés égaux délimitent une pellicule translucide de chair rouge alors que la base est faite d’écorce verte qui pèse plus lourd que le reste et s’impose d’office dans les 180 grammes quotidiens réglementaires. Nonobstant, chaque triangle s’est acquitté de son rôle d’émettre son arôme, de faire sa mensongère promesse de saveur rafraîchissante et de chatouiller le palais avant de disparaître.
 
Netanyahou a tenté de détourner les regards vers autre chose que la crise qu’il vit en tant que dirigeant, crise qui le dépasse car elle est crise de son gouvernement et de son Etat. Cette manœuvre lui a permis dans le même temps d’orienter la pression populaire demandant la conclusion d’un accord d’échange de prisonniers avec Hamas, non pas vers son échec mais vers des cibles faciles toutes trouvées : les 7000 prisonniers de la liberté palestiniens et arabes qui croupissent dans les prisons israéliennes. Là, Netanyahou a réussi parce qu’il a trouvé une opinion publique israélienne –y compris la famille du dit prisonnier- disposée à se laisser détourner des tares de son Etat et de ses dirigeants pour embrasser l’instinct de vengeance et la poursuite illusoire du sentiment de puissance.
 
Dans un studio médiatique qu’ils ont baptisé « Cellule », il se sont affublés du rôle de la victime. Les grands de leur peuple , leurs élites ont fait cela pour se donner le sentiment qu’ils éprouvent ce qu’éprouve le soldat occupant prisonnier de la résistance palestinienne. Dans une cellule virtuelle faite pour l’exhibition, ils ont fabriqué le mensonge et se sont efforcés de lui donner statut de vérité afin de le reproduire à leur guise et d’en faire moyen de déterger la conscience des occupants. Dans leur soif de conquête totale, ils ont inventé un monde de mots où ils deviennent eux-mêmes les occupants de la cellule dans laquelle ils ont jeté le prisonnier palestinien, afin qu’ils puissent, eux les bourreaux, se dire et dire au monde « c’est nous qui sommes prisonniers dans cette cellule, c’est nous qui endurons de grandes souffrances ». Pour ce faire, ils se sont acharnés et s’acharnent encore à effacer les visages, les noms , les histoires personnelles, l’appartenance à leurs proches et à leur peuple , la souffrance et la lutte des 7000 prisonniers palestiniens afin d’en faire des séries de matricules aptes , selon eux, à n’être qu’oubli devant le nom du soldat de l’occupation israélienne.
 
L’histoire de la pastèque et des quarante prisonniers m’a rappelé celle d’Ali Baba et des Quarante Voleurs. Mais alors que dans le conte populaire , les quarante bandits se sont enfermés dans des jarres pour échapper à la justice, dans la vie réelle que nous vivons, il y a un seul bandit qui évolue dans un monde qui reste encore ouvert mais qui ne cesse de se rétrécir autour de lui. Ce bandit a volé et encore volé, commis crime sur crime, volé la liberté et la patrie, les prisonniers et le peuple et n’a hésité devant le crime que dans la mesure où il se heurtait à notre résistance. 
 
Mais voici la différence entre lui et nous : il se nourrit de mensonge et d’illusion pour simplement être, pas nous. Quant au « festin » des prisonniers, en dépit du fait que nous le prenons sur la table de l’oppression, il a pour nous cette saveur que seule notre volonté de vivre et de lutter peut lui donner, car nous ne sommes pas des orphelins oubliés, nous appartenons à un peuple et à une lutte qui nous libérera. La question de savoir quand viendra cette libération se pose mais la réponse nous appartient, à nous les prisonniers, à nous le peuple. 
Amir Makhoul est prisonnier politique dans l’Etat d’Israël. Directeur d'Ittijah, l'Union des associations communautaires arabes d'Israël et membre dirigeant de la communauté palestinienne d'Haïfa, il a été condamné en janvier 2011 à 9 ans de prison ferme plus 1 an avec sursis pour "espionnage" et "contact avec un agent étranger" du Hezbollah libanais, sur la base d' "aveux" arrachés par la torture physique et morale. Il a été détenu dans la prison militaire israélienne de haute sécurité de Gilboa, dans la Vallée de Beït Shéan. Il n’a cessé de proclamer que sa condamnation est politique et vise à décapiter la direction politique et civile des Palestiniens vivant dans les territoires occupés en 1948, généralement appelés Israël.
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