samedi 29 octobre 2011

Crise de la dette: La Chine à la rescousse... sous conditions

Bas van der Scho
La zone euro recherche un soutien financier des pays émergents, notamment de la Chine. Une perspective redoutée par de nombreux Européens. Côté chinois, le Global Times affirme que tout accord se fera sur la base du donnant-donnant
Le 27 octobre, les responsables européens sont parvenus à un accord pour réduire la dette grecque. Ils attendent de pays riches en liquidités et extérieurs à l’UE qu’ils financent en partie leur plan de renflouement. La Chine, disposant de la plus grande réserve de devises étrangères, est aujourd’hui une cible prioritaire.
L’Europe développée se tourne vers la Chine en quête de liquidités. Ce qui en dérange plus d’un tant en Europe qu’en Chine. Certains Européens soutiennent que l’UE n’en est pas rendue au point de mendier auprès de Pékin. Apparemment, là-bas, beaucoup estiment que l’UE devrait réclamer des fonds à la Chine, sans pour autant lui proposer de contrepartie.
Le débat fait rage en Chine aussi
En Chine, les débats font rage. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi la Chine devrait tendre la main à l’Europe, quand la ville de Wenzhou se trouve elle-même endettée.
Pékin et Bruxelles ne sont pas unis par des liens d’une amitié indéfectible au point de pouvoir tendre sans hésiter la main à l’autre dès qu’il traverse une crise. Les deux camps se livrent pour l’heure à des calculs. Un scénario encore compliqué par les opinions publiques – de part et d’autre, on trouve des analystes qui, au mépris du professionnalisme, préfèrent flatter les bas instincts d’un populisme hystérique.
Peut-être l’ampleur de la participation chinoise au plan de renflouement de la zone euro a-t-elle été décidée au nom de l’intérêt commun, tout en tenant compte de la méfiance mutuelle entre les deux parties.
La Chine ne peut se tenir à l’écart, puisque ses intérêts sont étroitement liés à l’Europe par la mondialisation. Mais d’un autre côté, la Chine ne va pas offrir une “grosse surprise” à l’Europe. Même les économies plus saines au sein de la zone euro répugnent à aider la Grèce. En tant qu’acteur extérieur, Pékin ne peut résoudre un problème que seuls les membres de la zone euro sont en mesure de régler.
Si l’UE tient vraiment à obtenir le financement de la Chine, elle doit envisager d’ouvrir davantage son marché aux produits chinois, tout en acceptant la position de la Chine en tant qu’économie de marché. Si Bruxelles estime qu’il ne vaut pas la peine de passer des “arrangements” de ce type, la Chine ne fera rien pour l’y contraindre.
L'Europe fait figure de pingre
Pour les Chinois, c’est faire preuve d’ignorance que d’établir un lien entre le plan de renflouement de la zone euro et la crise de la dette de Wenzhou. Le premier concerne l’usage que fait Pékin de sa réserve de devises étrangères, qui ne peut pas servir à sauver les entreprises abandonnées par des patrons en fuite à Wenzhou. En tant que puissance mondiale, la Chine devrait aider ceux qui ont été touchés par une crise ou une catastrophe. Les Chinois devraient comprendre qu’un pays qui ne se préoccupe que de ses intérêts en faisant fi de la moralité finira par être détesté.
Mais les Européens devraient, eux, s’interroger sur eux-mêmes au lieu de reprocher à la Chine de jouer les pingres. Ils rejettent le système chinois et ne veulent pas exporter de technologies en Chine. Chaque fois qu’une entreprise chinoise investit en Europe, l’opinion publique locale s’enflamme. Ils redoutent que la Chine n’en apprenne trop auprès d’eux et qu’elle n’ait ainsi encore plus de succès. Tout ce qu’ils veulent, c’est se reposer sur leurs anciens acquis tout en restant aux commandes.
Avec une telle mentalité, c’est l’Europe qui fait figure de pingre. Il ne faut pas trop politiser la participation chinoise au plan de renflouement de la zone euro. Elle devrait se dérouler dans un cadre civilisé, dont les règles tacites seraient claires pour les deux parties.
Point de vue
Une contrepartie cher payée
L'Europe "courtise le dragon" pour sauver la zone euro, titre Gazeta Wybrocza. Mais pour le quotidien polonais, cette aide ne pourra être reçue qu'au prix fort. "L'Europe met tous ses espoirs dans la Chine. Un pays qui détient le record mondial du nombre d'exécutions de peine capitale et qui envoie ses dissidents politiques dans des camps de travail. Un Etat qui persécute les Tibétains et le peuple ouïghour et qui censure l'Internet."
"Alors qu'ils comptent sur la Chine pour renforcer le FESF, les responsables européens devraient répondre à une question simple", écrit Gazeta Wybrocza. "S'ils prennent les milliards [de la Chine] pour sauver la Grèce ou l'Italie, auront-ils toujours le courage de condamner le non respect des droits de l'homme au Tibet ou dans le Xinjiang ? (...) L'Europe doit redouter que Pékin refuse de l'aider ou alors elle devra tout simplement se sentir un peu stupide car il n'est pas possible de demander de l'aide à quelqu'un tout en lui donnant des leçons de morale."
Source: Preseurop, The Global Times, Beijing,  le 28 octobre 2011

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