lundi 15 août 2011

La gauche française et le colonialisme : Une honte, un article de Robert Louzon de 1923

Lorsque le Parti communiste français (PCF) fut fondé à Tours en 1920, la France était encore une grande puissance coloniale, avec des territoires en Afrique, en Extrême-Orient et ailleurs. Pour adhérer à l’Internationale Communiste, le PCF dut accepter les fameuses 21 conditions, dont la huitième exigeait :
« Tout Parti appartenant à la IIIe Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de "ses" impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d'émancipation dans les colonies, d'exiger l'expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimés et d'entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux. »
En Algérie et en Tunisie, il existait des sections du Parti socialiste (SFIO), et après la scission de Tours des sections du PCF y furent formées. Les trois fédérations départementales d'Algérie se prononcèrent pour l'adhésion à la Troisième Internationale par 34 mandats sur 41. Mais, selon Jacob Moneta, en Afrique du Nord comme en d’autres pays coloniaux, « le mouvement communiste… n’était rien d’autre qu’un prolongement du PCF dans ces pays. Il était organisé par des Français qui vivaient sur place et le nombre des membres autochtones était peu important. Ils avaient dans l’organisation des fonctions de second ordre. »[1] Selon Charles-Robert Ageron, « les sections d'Algérie comprenaient surtout des petits fonctionnaires (employés de chemins de fer, des P.T.T. et de l'enseignement), mais aussi des ouvriers et employés ainsi que des dockers et des petits colons. »[2]
Les conditions votées à Tours ne suffisaient donc pas pour transformer les partis communistes du Maghreb. Le 24 septembre 1922, un rapport fut présenté au 2e Congrès Interfédéral Communiste de l’Afrique du Nord, et adopté à l’unanimité.[3]
Le rapport jugeait que le texte de la huitième condition était « trop général » et négligeait les « conditions particulières » des différents pays. En Algérie, il fallait reconnaître que « ce qui caractérise la masse indigène, c’est son ignorance. C’est, avant tout, le principal obstacle à son émancipation ». En particulier, « le fatalisme et le fanatisme religieux » chez le prolétariat musulman s’expliquait par « l’emprise des marabouts et des confréries religieuses sur une masse totalement ignorante et éprise du merveilleux ». D’autre part, les prolétaires musulmans ne reconnaissaient nullement l’égalité de la femme et « la femme arabe elle-même se refuse à comprendre l’humiliation de son état ». De plus, les syndicats indigènes étaient « à peu près inexistants ».
Dans cette situation lamentable, « l’émancipation des populations indigènes d’Algérie ne pourra être que la conséquence de la Révolution en France ». Par conséquent, le but des communistes en Algérie n’était pas de soutenir un mouvement révolutionnaire parmi la population indigène : « La propagande communiste directe auprès des indigènes algériens du bled est actuellement inutile et dangereuse. Elle est inutile parce que ces indigènes n’ont pas atteint encore un niveau intellectuel et moral qui leur permette d’accéder aux conceptions communistes. » La priorité était dès lors l’activité parmi les Européens syndiqués : « Le premier but à atteindre est donc l’éducation des Européens avant d’entreprendre directement l’éducation sociale du prolétariat indigène. »
 

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