samedi 27 août 2011

Craintes palestiniennes pour une source d’eau ancienne en Cisjordanie : les citernes millénaires

par  Tom Perry توم بيري, Reuters, 28/7/2011. Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala 
Original: Palestinians fear for ancient West Bank water source
Traductions disponibles : Deutsch  
 

 

 ARAB AL RASHAYIDA, Cisjordanie, 28 juillet (Reuters) - Creusées dans le roc, les citernes en forme de grottes qui parsèment le désert au-delà de Bethléem, recueillent depuis des siècles l’eau de pluie qui est fournier aux bergers et à leurs troupeaux durant l’été.
Sous un soleil de plomb, un Bédouin âgé explique que les citernes telles qu’ils se les rappelle de son enfance, dont beaucoup ont été restaurées afin de fonctionner parfaitement ces dernières années, permettent à nouveau à sa communauté de chevriers de survivre.
C’est pourquoi, conclut-il, les autorités israéliennes qui contrôlent la Cisjordanie, en ont démoli au moins trois dans la zone depuis novembre 2010.

« Leur but est peut-être de nous faire partir. Mais nous ne partirons pas », dit Falah Hedawa, un homme de 64 ans, assis sur des coussins sous sa tente familiale dressée dans les collines qui descendent vers la Mer Morte.
Plus loin dans le désert, une mare stagnante est la seule trace qui reste d’une des citernes, creusée à flanc de colline, qui a été détruite récemment. Une piste boueuse sur le terrain par ailleurs sec indique le chemin suivi par l’eau jusqu’à un ouadi, une vallée qui devient rivière lorsqu’il pleut.
Israël a démoli 20 citernes de collecte d’eau de pluie en Cisjordanie durant les six premiers mois  de cette année, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), qui surveille les conditions dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
Ces démolitions font partie d’une accélération marquée des démolitions d’infrastructures palestiniennes dans la « Zone C » » - les 60% de la Cisjordanie sur lesquels Israël exerce un contrôle total.
Définie par les accords intérimaires de paix conclus entre Israël et les Palestiniens dans les années 1990, cette zone C est celle où se trouvent toutes les colonies israéliennes de Cisjordanie.
Pendant les six premiers mois de 2011, plus de Palestiniens ont perdu leurs maisons que pendant 2009 et 2010 réunis, selon l’OCHA. Beaucoup d’entre eux étaient des Bédouins. Jusqu’à présent cette année, un total de 342 structures appartenant à des Palestiniens ont été démolies dans cette zone.
Comble du cynisme, les démolitions sont exécutées au prétexte que ces structures, dont quelques-unes sont de simples tentes, ont été érigées sans la permission des Israéliens, ce qui est quasi impossible à obtenir, selon les Palestiniens.
En ce qui concerne les citernes, l’administration civile israélienne de Cisjordanie dit que dans au moins deux cas, et probablement davantage, elle a procédée aux démolitions parce qu’elles  étaient situées dans des zones d’entraînement militaire où l’utilisation des armes à feu pourraient représenter un danger pour leurs usagers.
“Justification historique”
 Cela , affirment les Palestiniens, n’est qu’une excuse qui fait partie d’un système de restrictions de la part des Israéliens dont le but est d’entraver leur développement tout en favorisant  l’extension des colonies.
Les ONG qui soutiennent le programme de restauration des citernes se disent fort inquiètes : les Bédouins, dont le nombre avoisine les 27.500 dans la zone C, comptent parmi les Palestiniens les plus pauvres.
En restaurant des vieilles citernes, les initiateurs du projet espéraient pouvoir contourner les restrictions sévères imposées par les Israéliens à la construction de nouvelles infrastructures hydrauliques, un facteur qui a contribué, selon l’Autorité palestinienne, à aggraver la pénurie d’eau à travers toute la Cisjordanie.
“Ces citernes sont justifiées par l’histoire”, dit  Nadi Farraj, un expert agricole palestinien qui a contribué à la restauration d’environ 140 vieilles citernes ces quatre dernières années.
Les Bédouins racontent que certaines citernes datent de l’époque nabatéenne et ont donc environ 2 000 ans. Pendant les travaux de restauration, les ouvriers recrutés dans les communautés bédouines, ont découvert divers objets dont des casques militaires de l’époque ottomane.
Sur un site isolé dans le désert, parmi des structures de pierres que l’on croit être les restes d’une église chrétienne, les ouvriers ont trouvé des fragments d’antiques sols en mosaïque pendant qu’ils restauraient deux citernes où on mène aujourd’hui les chèvres à boire.
Des photos prises pendant les travaux de restauration montrent des espaces en forme de grottes, soutenus par des piliers et des voûtes. Les citernes ne sont pas toutes souterraines. Quelques-unes sont des bassins creusés au fond de ouadis et destinés à retenir les eaux de pluie.
Atteindre les sites éloignés est souvent la partie la plus dure du travail, dit Farraj. Une fois arrivés là,  les ouvriers doivent enlever les sédiments, consolider l’imperméabilité des cloisons avec du plâtre et ensuite reconstituer les canaux de collecte de l’eau de pluie vers la citerne.
“Pénurie d’eau partout”
Dans le désert, aux portes de la ville de Zaatara, une citerne porte un symbole chrétien qui prouve qu’ elle est antérieure à l’expansion de l’Islam du 7e siècle depuis la péninsule arabique, selon un notable local, Ahmad Abou Rabada.
Cette citerne est l’une des deux citernes dont la restauration a été interrompue par Israël en juin sous prétexte que la région se trouvait à l’intérieur d’une zone de tir. Abou Rabada affirme qu’aucun tir n’y a été entendu depuis des années.
“Ils ont invoqué toutes sortes de prétextes”, dit-il.
Il craint que la démolition de la citerne par l’administration civile ne soit imminente.
Les démolitions ont été condamnées par les Nations-Unies. DanChurchAid, une ONG de l’Eglise danoise qui a financé le programme, soutient que cinq des citernes sur lesquelles elle a travaillé ont été démolies cette année, trois par l’armée israélienne et deux par des colons juifs.
"Je trouve ça extrêmement inquiétant. Toute la Corne de l’Afrique et le Moyen-Orient font face à des sécheresses d’envergure cette année ", dit  Mads Lindegarde, représentant régional de  DanChurchAid, qui fait partie d’une coalition d’ONG ayant constitué le Groupe d’urgence pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène dans les territoires palestiniens.
 « La destruction d’antiques citernes d’eau et de ressources d’eau en général, c’est de la folie, et tout particulièrement dans une situation où les gens souffrent d’une
pénurie d’eau », dit-il.
Les démolitions ne font qu’aggraver une pénurie d’eau dans toute la Cisjordanie, selon Shadad Attili, chef de l’Autorité Palestinienne pour l’Eau.
"Quel est leur message? 'Abandonnez cette terre—c’est leur unique message", dit-il.
 Tout en niant vouloir déplacer les Bédouins par de telles méthodes, Israël a un plan pour les reloger dans des constructions en dur.
 "Ils auront de la terre gratuitement, de l’électricité, de l’eau, ce qui améliorera probablement leur situation ", affirme un porte-parole de l’administration civile israélienne. "Ils ne peuvent pas continuer à nomadiser et la terre est limitée."
"Pour les Bédouins, c’est la seule solution."

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