lundi 13 juin 2011

Tunisie-France : l'affaire du 36 rue Botzaris

Pourquoi les Tunisiens doivent sauver #botzaris36 ?

En préambule je vous prie de m'excuser, j'écris dans l'urgence. Vous n'êtes pas à l'abris des coquilles, fautes d'orthographes, morceaux manquants...

#Botzaris36 ? De quoi s'agit-il ?


Pour ceux qui n'ont pas suivi, il s'agit à l'origine d’un « tag » Twitter qui permet de suivre l'actualité de l'occupation par les réfugiés tunisiens dits « de Lampedusa » d'un bâtiment situé à Paris 19e, 36 rue botzaris.

Ce bâtiment possède une charge symbolique forte car sous couvert d'avoir été le siège de l'association "Rassemblement des Tunisien de France" il s'agissait en fait du siège français du parti de Ben Ali le RCD, aujourd'hui dissous.

Il est réputé avoir été le lieu où étaient stockés les dossiers compromettants sur les dirigeants français afin de pouvoir exercer sur eux des pressions si nécessaire ; c'est de l'ordre de la rumeur car aucune preuve matérielle mais une rumeur très répandue en France et en Tunisie. Il est également réputé avoir peut-être été un lieu de torture : certaines personnes rencontrées cette semaine aux abords du bâtiment disent avoir été effectivement victime de tortures au 36 rue Botzaris. Ce sont des suppositions, certes, mais elles existent de longue date et sont partagées par beaucoup de monde ce qui laisse penser qu'elle sont au moins partiellement vraies.

En revanche on peut affirmer que le bâtiment est rempli de documents sur le RCD, ses adhérents, sa comptabilité, etc.

Ce bâtiment ne bénéficie d'aucun statut particulier, ce n'est ni un consulat ni une ambassade. En revanche il est la propriété de l'État tunisien, et à ce titre la police française ne peut légalement pénétrer dans ce lieu qu'avec l'accord de la Tunisie, en l’occurrence par la voix de l'ambassade de Tunisie en France.

Enfin basiquement ce sont des gardiens qui gèrent le lieu. Ils sont là depuis longtemps, depuis l'ancien régime.

L'Ambassade de Tunisie en France ?


L'ambassade supposée représenter l'État Tunisien en France ne remplit absolument pas cette fonction. En tous les cas pas sur le plan politique. Le dernier ambassadeur datant de l'ancien régime a été tardivement limogé, le 15 mars 2011, soit trois mois après la fuite de Ben Ali.

Depuis aucun ambassadeur n'a été nommé à sa place. Sans doute parce qu'il est difficile de trouver quelqu'un qui fasse le consensus et ne soit pas soupçonnable de travailler pour le RCD en sous main. Mais de fait, l'ambassadeur parti son équipe est toujours en place et les fonctionnaires qui font tourner l'Ambassade sont probablement d'ancien membres du RCD aussi. Et ce sont ces fonctionnaires qui prennent les décisions impliquant le bâtiment du 36 rue Botzaris depuis une semaine lorsque a débuté son occupation par les réfugiés.

On peut légitimement douter que les décisions prises par l'ambassade soient motivées ni par l’intérêt du nouveau régime tunisien ni par l'intérêt des réfugiés et du peuple tunisien libéré.

Que s'est il donc passé ?


Je ne vais pas remettre les dates car je ne les ai pas noté, et ce n'est pas le sens de ce billet de reconstituer les faits avec une exactitude millimétrique.

Aussitôt l'occupation démarrée le 31 mai, un impressionnant arsenal policier entoure le bâtiment. A force de gazage et d’intimidation (le préfet sur place dit posséder l’autorisation de l’ambassade pour évacuer, mais ne peut la présenter), la police parvient à faire sortir la moitié des occupants, reste un groupe de 17 qui vont s'organiser. Finalement la police quitte les lieux ne laissant visible qu'une voiture avec deux agents.  Au bout de 24 heures cette voiture disparaît elle aussi. A ce moment-là on peut croire que le squat est protégé par l'ambassade. Les occupants s'engagent tacitement à n'occuper qu'une partie du bâtiment et de ne pas accéder aux étages "interdits".

Après deux ou trois jours on assiste à une opération d'exfiltration par la police française et avec l'aide des gardiens : policiers en uniformes et agents en civils se postent à l'entrée coté jardin (celle que les occupants n'utilisent pas) et les gardiens leur remettent des sacs et au moins une mallette. Les policiers repartent. Il y a des témoins oculaires de la scène dont un vidéaste.

On commence donc à s'agiter autour des documents que le bâtiment renferme.

En début de cette semaine le bâtiment accueille une deuxième vague de réfugiés qui occupent alors les caves. Des bagarres éclatent. On ne suit plus très bien ce qui se passe. Il s'avère que les étages interdits sont ouverts. Des photos de documents, des vidéos, sont diffusées en ligne. On observe alors l'interruption du réseau de téléphonie mobile aux abords du bâtiment. Le soir-même, la police intervient et évacue le bâtiment sur ordre de l'Ambassade.

Tout le monde est embarqué au commissariat, et revient sur les lieux quelques heures plus tard : le bâtiment est de nouveau occupé.

Mais ce n'est plus la bonne entente du début. Il semble que certains réfugiés agissent pour le compte d'entités extérieures. Sont refoulées un certain nombre de personnes dont celles qui sont en soutien actif depuis le début. Apparaissent alors deux "vieux tunisiens" qui rôdent ouvertement aux abords du bâtiment. Les jeunes réfugiés les entourent. On peut penser qu'ils ont fait un putsch sur le squat, probablement avec un peu d'argent ce qui ne peut évidemment pas laisser insensible des jeunes gens qui sont dans la misère à Paris depuis plusieurs mois.

Mais quels sont les enjeux ?


Je vais faire simple : la Tunisie a renversé un régime dictatorial. Avant de s'effondrer ce régime à détruit ses archives, il n'y a plus de trace écrite, la Tunisie doit se reconstruire sans pouvoir accéder à son passé immédiat.

Le bâtiment du 36 rue Botzaris est l'un des derniers endroits recelant des archives de l'ancien régime tunisien. Les évènements de ces jours-ci ont probablement permis à ceux qui en avait intérêt de faire disparaître un certain nombre de pièces compromettantes. Le fait que les jeunes Tunisiens soient maintenant sous l'emprise de probables anciens membres du RCD laisse penser que la suite des pièces va disparaître.

Il est * * * * * * U R G E N T * * * * * * que le peuple libre de Tunisie reprenne la main!

Notamment en reprenant le contrôle de l'ambassade. Il faut nommer un ambassadeur dan sla journée. Quelqu'un qui ne laisse aucune prise au RCD même s'il n'a pas de formation diplomatique. A l'heure où j'écris c'est le "vieux Kamel", le barbu, qui a pris la main et négocie aussi bien avec l'ambassade qu'avec la préfecture de police française. Je répète il y a URGENCE.

Par ailleurs On peut imaginer une procédure juridique (là je n'y connais rien du tout) qui mette le bâtiment sous scellés le temps que la Tunisie organise en transparence et avec tout le contrôle nécessaire le dépouillement des documents restant dans les lieux. J'aimerais en profiter pour dire aussi à ceux qui ont récupéré des documents de ne pas les diffuser sans savoir précisément de quoi il s'agit. Rien ne sert d'exposer des identités à la vindicte populaire.



Voilà. Je crois que cela répond au moins en partie à la question : Pourquoi les Tunisiens doivent sauver #botzaris36 ?

L’importance méconnue de la rue Botzaris
par Fabien Abitbol, Ménilmontant, mais oui madame..., 9/6/2011


Le 36 de la rue Botzaris est occupé depuis le 31 mai. Dix jours déjà. Par des «Tunisiens de Lampedusa», dont une poignée de dix-sept à l’origine, rapidement devenus quarante-et-un. Ce bâtiment, officiellement dénommé Centre culturel tunisien entre autres dans l’annuaire de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI), abritait de nombreuses activités.

P19_Botzaris-drapeaux Depuis avant mon arrivée à Ménilmontant fin 1996, je savais qu’il y avait, près des Buttes-Chaumont, un bâtiment aussi discret qu’important pour la Tunisie. Ce n’est que plus récemment, il y a un peu plus de dix ans, que j’ai localisé son entrée. En fait son entrée principale, car l'entrée secondaire, plus sensible politiquement, est ici. Cette localisation, je la dois à divers témoignages recueillis auprès d’opposants au régime. De “vrais” opposants, de bien, bien, bien avant décembre 2010.
Au hasard de mes recherches sur l’ancienne formule (http://www.tunisitri.net/)  du site Internet de l’ITRI, un texte de Fausto Giudice m’a interpellé. A l’occasion des dix ans de régime benaliste, 202 personnes avaient signé au 9 avril 1997 en Tunisie un appel demandant l'instauration de la démocratie. Alors que la collecte des signatures continuait, un rassemblement s’organisait, à Paris, symboliquement au 36, rue de Botzaris.
Pour les plus jeunes, a fortiori ceux qui arrivent de la Tunisie depuis quelques mois, ces choses-là sont inconnues. Pour les Parisiens de fraîche date ou ne résidant pas à proximité des Buttes-Chaumont, pareil. Mais combien d’autres savaient et n’ont pas prêté attention, ou rapidement réagi? Combien d’autres, moi y compris?
Dans son texte intitulé La peur change de camp, que j’avais mis en lien hypertexte cliquable dans mon sujet annonçant l’occupation —espérant par-là attirer l’attention de quelques confrères— Fausto Giudice écrivait :
Pourquoi ici?
Nous sommes rassemblés face au 36 rue Botzaris. A cette adresse, devant vous, se dresse une forteresse bien protégée par un haut mur et des grilles. Cette forteresse est à l'image du palais de Carthage où trône, retranché, le tyran tunisien, le général Zine El Abidine Ben Ali. Cette forteresse est à l'image du régime tunisien. Dans ces locaux, qui bénéficient d'un statut diplomatique, en tant qu'annexé de l'ambassade de Tunisie située rue Barbet de Jouy, se trouvent officiellement le "centre culturel" de l'ambassade et le Rassemblent des Tunisiens de France (RTF), l'amicale contrôlée par le régime. Officieusement, c'est le RCD, le parti de Ben Ali, qui siège ici. Et en réalité, cette forteresse est une des bases à partir desquelles le régime tunisien contrôle, réprime et agresse la communauté tunisienne en France. C'est d'ici que sont diffusés les ordres de Ben Ali, c'est ici que se concoctent des agressions, des campagnes d'intimidation et de calomnie contre des réfugiés tunisiens.
A notre avis, les activités illégales et louches qui se déroulent au "36" sont en contradiction flagrante avec son statut diplomatique. Le "36" dépend en effet plutôt du ministère de l'Intérieur tunisien que du ministère des Affaires étrangères. Ce lieu ressemble plus à un des nombreux lieux secrets de détention et de torture disséminés en Tunisie qu'à un "centre culturel". Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Dans son sujet publié hier sur Mediapart (à lire ici gratuitement), Mathieu Magnaudeix évoque un «bâtiment de sinistre réputation dans la communauté tunisienne de France».
C’est pourquoi, dès le début, j’ai décidé de passer le plus de temps possible à l’intérieur du 36. Une jeune camarade (@MsTeshi), de vingt ans ma cadette, y était 24h/24. Nous étions en relation quasi-permanente par SMS et par le réseau social Twitter.

P19_Botzaris-soupirailVL
Dans la cour intérieure, à droite de la voiture de droite, on distingue un soupirail. C'est la seule ouverture vers l'extérieur dont sont équipées les «caves de Botzaris». Photo: F. A.

Je cherchais ce que les opposants victimes de la répression tunisienne que j’avais pu rencontrer appelaient les «caves de Botzaris». En vain. Je passais pourtant quasiment dessus chaque jour. J’en avait même photographié l’unique soupirail, que l’on voit à la droite des voitures à l’immatriculation diplomatique garées pour des raisons qui m’échappent dans la cour du “36” alors que l’immeuble possède au moins deux boxes privés. Je n’avais pas compris,… jusqu’à la nuit de lundi à mardi où, y retournant vers 2 heures du matin avec @MsTeshi (qui avait décidé de quitter les lieux), j’ai enfin vu que ces caves n’étaient héélas pas une légende.
C’est ce récit d’une semaine de patience et de recherches, d’émotions aussi, que je souhaite mettre en ligne prochainement, avec des illustrations afin que chacun puisse se faire une idée.
Fabien Abitbol
Notes :
• Dans l’attente du récit de cette semaine, il est possible de lire sur Politikio ce qu’en pense un quasi-voisin des lieux…
• Ce qui concerne le 36 de la rue Botzaris est à suivre sur twitter en cliquant ici. On y trouve des infos en temps réel, des photos, des vidéos, etc…

Bonus

La rue du Plateau, cruciale pour les Tunisiens


Le 42 rue du Plateau, dans le 19e arrondissement. Une façade étrange, aux volets clos, sans nom à la porte…

P19_Botzaris-Fessart-façade
Le 42 de la rue du Plateau est séparé du 36 de la rue Botzaris par un jardinet qui marque l’angle entre les deux rues perpendiculaires. En réalité, les deux bâtiments communiquent, et pas uniquement par le jardin. Le rez-de-chaussée de la rue du Plateau est le sous-sol de la rue Botzaris.

C’est ainsi que les opposants au régime de Ben Ali qui ont eu l’occasion d’être emmenés au 36 rue Botzaris ont parfois parlé des «caves de Botzaris», et n’ont jamais connu la rue du Plateau.

Jusqu'à ces derniers temps, les Parisiens du secteur connaissaient bien cet immeuble, mais de l'extérieur, et pour cause: à deux pas se trouvait  le Trésor Public, désormais fermé… pour travaux et probable cession des murs, rigueur oblige.

Pour en savoir plus sur l’importance de ce curieux bâtiment, sur lequel des historiens devraient désormais se mettre à travailler, cliquer ici.

F. A.

EXTRAITS DES ARCHIVES DE BASTA !
Rassemblement contre la dictature tunisienne devant le “Centre culturel” tunisien 36, rue Botzaris (Paris) le 3 mai 1997

Organisé par l’AZLS à la veille d’une visite du général Ben Ali à Paris (finalement annulée), ce rassemblement avait pour but de dénoncer le rôle de QG des barbouzes du régime tunisien de ce “Centre culturel” situé derrières les Buttes-Chaumont. De nombreux policiers tunisiens avaient été dépêchés de Tunis pour cette occasion. Les parents des enfants suivant des cours d’arabe au centre avaient été mobilisés pour contre-manifester, à l’abri des grilles du centre, avec une immense banderole proclamant “Tunisie, terre de tolérance”, ce à quoi nous avons répondu : “Maison de tolérance, oui, et Ben Ali et son patron”. Voici le tract distribué à cette occasion.

Pourquoi ce rassemblement?
Nous sommes rassemblés aujourd'hui pour protester contre la répression exercée par le régime tunisien contre toute forme d'opposition, en Tunisie et à l'étranger.

Pourquoi ici?
Nous sommes rassemblés face au 36 rue Botzaris. A cette adresse,
devant vous, se dresse une forteresse bien protégée par un haut
mur et des grilles. Cette forteresse est à l'image du palais de
Carthage où trône, retranché, le tyran tunisien, le général Zine
Abidine Ben Ali. Cette forteresse est à l'image du régime tunisien.
Dans ces locaux, qui bénéficient d'un statut diplomatique, en tant
qu'annexe de l'ambassade de Tunisie située rue Barbet de Jouy, se
trouvent officiellement le “centre culturel” de l'ambassade et le
Rassemblent des Tunisiens de France (RTF), l'amicale contrôlée par le
régime. Officieusement, c'est le RCD, le parti de Ben Ali, qui siège ici.
Et en réalité, cette forteresse est une des bases à partir desquelles
le régime tunisien contrôle, réprime et agresse la communauté
tunisienne en France. C'est d'ici que sont diffusés les ordres de Ben
Ali, c'est ici que se concoctent des agressions, des campagnes
d'intimidation et de calomnie contre des réfugiés tunisiens.
A notre avis, les activités illégales et louches qui se déroulent au
"36" sont en contradiction flagrante avec son statut diplomatique.
Le "36" dépend en effet plutôt du ministère de l'Intérieur tunisien
que du ministère des Affaires étrangères. Ce lieu ressemble plus à
un des nombreux lieux secrets de détention et de torture disséminés
en Tunisie qu'à un "centre culturel". Voilà pourquoi nous sommes ici
aujourd'hui.

Pourquoi “bouche cousue?”
Nous voulons faire voir l'état dans lequel Ben Ali à mis le peuple
tunisien, empêché de s'exprimer, jeté en prison, torturé, contraint à
l'exil et menacé, même dans les pays où il trouve asile. Nous
demandons à tous les participants de profiter de ce rassemblement
silencieux pour penser à toutes celles et tous ceux qui sont morts
pour la liberté en Tunisie, à toutes celles et tous ceux qui
croupissent dans les cachots de Ben Ali. Et aussi pour réfléchir aux
actions que nous pourrions mener ensemble dans les temps qui
viennent.

Et après?
Nous pourrons parler de tout cela, à bouche décousue, à la réunion
qui aura lieu après le rassemblement. Nous vous informerons à 17
heures, au moment de la dispersion, qui aura lieu en bon ordre.
Merci de votre participation.

Liberté, justice, démocratie pour la Tunisie

ALLIANCE ZAPATISTE DE LIBÉRATION SOCIALE

3 mai 1997

PENDANT ET APRÈS LE RASSEMBLEMENT, NOUS VOUS PRIONS DE
RESTER CALMES, SILENCIEUX ET SOUDÉS. NE RÉPONDEZ PAS AUX
  ÉVENTUELLES PROVOCATIONS. CELA SEMBLE ÉVIDENT, MAIS IL VAUT
MIEUX LE PRÉCISER, N'EST-CE-PAS?



TUNISIE 1997 : Petit bilan d'une petite campagne contre un petit dictateur
par Fausto Giudice, Basta ! Journal de marche zapatiste.N°7- 29 novembre 1997

Après une période d'apparente hibernation mise à profit pour nous informer sur le monde comme il va, l'AZLS se devait, pour son offensive de printemps 1997, de choisir une cible à sa mesure. Petite organisation dotée de faibles moyens mais aux immenses ambitions, nous ne nous sentions cependant pas en mesure de nous mesurer d'emblée au Laogai chinois et à ses dizaines de millions d'esclaves ou à l'Europe de Maastricht ou même aux fauteurs de la guerre au Kurdistan, pour citer pas tout à fait au hasard quelques possibles objets de campagne.
Nous avons donc choisi un dictateur au petit pied, qui fait souffrir les 10 millions d'habitants et d'exilés de ce petit pays qu'est la Tunisie. Le Général Ben Ali a réussi, en dix ans, à mettre en coupe réglée la Tunisie, profitant de l'ombre portée de ses confrères et amis algériens pour encaserner tout un peuple. Il a pu agir en toute impunité grâce à l'aveuglement des «grandes démocraties», au nom de la lutte contre le nouvel ennemi du genre humain, l'islamisme, venu fort à propos remplacer le péril bolchevik depuis une quinzaine d'années.
Sacré «démocrate», le Général en a profité pour piller le pays, remplir ses coffres et ceux de son clan et éliminer toute opposition. A-t-il pour autant écrasé toute résistance?
Nous savons de bonne source que non.
Deux éléments ont contribué à nous mettre en campagne: une nouvelle agression de la part de sbires de Ben Ali contre un réfugié tunisien en France, auteur d'un livre de dénonciation des méthodes benaliesques, Le Supplice tunisien [Editions La Découverte]. Une première agression, impunie à ce jour, avait été commise contre le même Ahmed Manaï un an plus tôt, sans susciter beaucoup de réactions. Une autre grave agression avait été commise, en plein Paris, contre un autre citoyen tunisien défenseur des droits de l'homme en Tunisie, Mondher Sfar. Le choix de ces victimes par les services de Ben Ali n'était pas le fruit du hasard: dans les deux cas, il s'agissait de personnes indépendantes des groupes politiques tunisiens existants et oeuvrant dans un esprit unitaire pour les droits de l'homme en Tunisie.
La division - l'atomisation même - de l’opposition étant le grand allié de Ben Ali, il s'agit pour lui d'empêcher tout rapprochement entre diverses sensibilités et d'éviter la naissance de dynamiques nouvelles, rompant avec les pratiques et méthodes qui ont définitivement fait leur temps, en Tunisie comme ailleurs. Et le meilleur moyen d'obtenir cela, c'est, pour Ben Ali comme pour tous ses semblables, la terreur et la violence physique, associées à la diffamation et à la corruption.Pour la diffamation, le Palais de Carthage et ses officines parisiennes sont passés maîtres dans l'art de la diffamation, utilisant des feuilles illégales et anonymes distillant des mensonges à la petite semaine, mais aussi des montages vidéo du pire acabit.
La deuxième motivation de cette campagne, lancée le 9 avril dernier, était l'imminence d'une visite officielle de Ben Ali en France. Prévue initialement pour 1996 puis repoussée au 5 mai 1997 et enfin au 20 octobre 1997, cette visite aura été l'occasion pour l'opinion française d'en savoir un peu plus sur ce régime et ses méthodes.
Nous avons donc organisé, après un mois de préparatifs un premier rassemblement sur le thème Ben Ali, 10 ans ça suffit et RCD=Répression, corruption, délation [le RCD est le parti unique au pouvoir, qui revendique le nombre fabuleusement soviétique de ...1 700 000 membres! Mais il ne faut s'étonner de rien au pays d'un Ben Ali, élu avec 99, 92% des voix!...].Ce rassemblement a donc eu lieu le 3 mai rue Botzaris, dans le XIXeme arrondissement de Paris, devant les locaux d'une annexe de l'ambassade de Tunisie, qui abrite (officiellement le RCD, l’ ATF, une association- croupion du régime, le «centre culturel» et une partie des activités des barbouzes de Ben Ali à Paris.Leur accueil a été à la mesure de leur peur. Le solide cordon de CRS nous séparant ne les a pas empêchés de se livrer à de nombreuses provocations et de nous filmer abondamment, après avoir envoyé se mêler à nous une femme couverte d'un voile noir intégral, afin d'alimenter leur propagande standard, selon laquelle tout ce qui est contre Ben Ali est islamiste.Manque de pot pour ces messieurs, l'AZLS n'a, c'est le cas de le dire, ni dieu ni maître autre qu' Emiliano Zapata, seul chef que nous reconnaissions et que nous avons choisi pour des raisons pratiques: il est mort depuis 1919 en fait, il n'est pas vraiment mort, mais ceci est une autre histoire] et nous préférons avoir un chef mort qu'un chef vivant. Nous nous sommes d'ailleurs toujours méfiés des chefs, avec et sans barbe, avec et sans moustache. Le rassemblement catalyseur a été suivi de plusieurs mois d'un travail d'information sur la Tunisie relativement «intensif à travers la France et plusieurs pays d'Europe, fous avons diffusé un nombre important de tracts et de journaux en français, en arabe et en anglais informant sur a situation en Tunisie. L'écho suscité a été généralement positif, évidemment surtout en Tunisie, où notre matériel a bien circulé. Aucune dictature, si féroce soit-elle, ne peut désormais édifier des barrières infranchissables autour du peuple qu'elle opprime. Merci donc à tous nos amis européens qui ont mis à profit leurs vacances en Tunisie pour faire œuvre utile d'information! Cet aspect de notre campagne était évidemment fondamental, dans la mesure ù nous voulions faire savoir à la société tunisienne - aux prisonniers d'opinion, aux citoyens privés de libertés et harcelés, aux intellectuels qui n'ont pas plié - qu'elle n'est as abandonnée à son sort et que ses actes de résistance ont et seront appréciés et soutenus à travers le monde.La visite de Ben Ali a ensuite été l'occasion d'une série d’actions de protestation et d'information, auxquelles nous avons participé. Les autorités françaises ont tout de même interdit un rassemblement devant l'Hôtel de Ville de Paris, où Tiberi accueillit Ben Ali, mais ce dernier a quand même entendu les cris Ben ALI assassin!, malgré ses très nombreux sbires présents et l'interpellation de 20 manifestants. Il a donc piqué un petit sprint à sa descente de voiture. Il devrait faire du sport; il fait de la mauvaise graisse, cet homme...Bref, Ben Ali n'a pas du tout apprécié l'accueil que lui ont réservé les médias, les politiciens français et les organisations de défense des droits de l'homme. Il s'est même fâché tout rouge et est reparti plus tôt que prévu, annulant la partie privée de son séjour... Nous ne pouvons Que l’encourager à continuer de se fâcher et vive l’apoplexie !

La campagne Ben Ali, 10 ANS, Ca SUFFIT ! s’est enfin clôturée par une marche aux flambeaux organisée par l’AZLS le 7 novembre, date- anniversaire du coup d’Etat commis par Ben Ali en 1987, de Jussieu à la Bastille, qui nous a permis de sensibiliser encore plusieurs milliers de personnes.En définitive, cette campagne a été un excellent stimulant pour toutes celles et tous ceux qui y ont participé de près ou de loin. Elle a permis à des Tunisiens de divers courants et à des citoyens d’ailleurs de travailler ensemble, elle a amené les uns et les autres à se positionner et à commencer- ou recommencer- à se bouger un peu, à sortir de la léthargie.L’AZLS a tenté par cette petite campagne de créer un espace d’information, d’initiative et d’_expression sur la Tunisie et de montrer qu’on pouvait agir même sans grands moyens. La balle est maintenant dans le camp des Tunisiens qui aspirent vraiment à la liberté, à la justice et à la démocratie.

Le tract de la campagne

BASTA - YEKFI !
Ben Ali, 10 ans, ça suffit !

Le 7 novembre 1987, le policier Zine El Abidine Ben Ali a pris le pouvoir en Tunisie par un coup d’État, avec la bénédiction des capitales occidentales.

Dix ans plus tard, le bilan de ce pouvoir illégitime est catastrophique pour le peuple tunisien. Ben Ali et son clan ont littéralement fait main basse sur le pays. La société civile a été écrasée par la terreur et la corruption. Toutes les libertés ont été supprimées. Un petit groupe d'affairistes s'est enrichi au détriment de la masse des citoyens, réduits à l'état de sujets. Des milliers d'hommes et de femmes sont emprisonnés ou exilés pour avoir osé réclamer la justice sociale et la dignité. La torture est une pratique quotidienne dans les casernes, les commissariats et jusque dans les locaux du ministère de l'Intérieur, en plein centre de Tunis, à côté de l'hôtel Africa.

L'accord de partenariat économique avec l'Union européenne ne fera qu'aggraver les conditions de vie des petites gens, en détruisant encore plus le tissu social, par la privatisation des entreprises publiques, la disparition des petites et moyennes entreprises et l'accaparement des terres agricoles, tout cela sous couvert de mise à niveau et de néo-libéralisme. En 1996, 542 000 touristes français ont passé en Tunisie quatre millions de nuits. Plusieurs millions d'Européens passent chaque année leurs vacances en Tunisie et croient connaître ce pays. Ce qu'ils en voient est un mirage. Derrière la vitrine touristique, il y a la souffrance et la résistance d'un peuple qui aspire à la liberté, à la justice et à la démocratie.

Manifestez votre solidarité
en participant à la manifestation
pour la liberté, la justice et la démocratie en Tunisie
le vendredi 7 novembre 1997 Rassemblement à 18 heures à Jussieu


alliance zapatiste de libération sociale
Fondée en mars 1995 par les signataires du Manifeste
zapatiste, l'Azls a pour objet de lutter pour la liberté, la
justice et la démocratie en Europe et dans le monde.

Lisez basta!, journal de marche zapatiste.

[Ce tract a été distribué à plusieurs milliers d'exemplaires sur les marchés parisiens et ailleurs tout au long de l’automne 1997]


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