dimanche 26 décembre 2010

Tunisie: l'intifada s'étend. Après Sidi Bouzid, Menzel Bouzayane تونس : انتشار الانتفاضة. بعد سيدي بوزيد ، منزل بوزيان

Tunisie: un mort et des blessés dans des affrontements à Menzel Bouzayane

par  Kaouther LARBI (AFP), 24/12/2010

TUNIS — De violents affrontements ont opposé vendredi des manifestants et la police dans la région de Sidi Bouzid (centre-ouest tunisien) faisant un tué et des blessés, a-t-on appris de sources officielle et syndicale.

Le ministère de l'Intérieur a fait état d'un mort et deux blessés parmi les "assaillants" et de plusieurs blessés parmi les agents de sécurité, dont deux sont dans le coma.

Selon une source syndicale contactée par l'AFP, les affrontements qui se sont produits à Menzel Bouzayane, une localité à 60 km de Sidi Bouzid, en proie à des troubles sociaux depuis plusieurs jours, ont fait un mort et dix blessés. Mohamed Fadhel, syndicaliste de l'enseignement secondaire a affirmé que le manifestant décédé, Mohamed Ammari, 18 ans, a été touché à la poitrine.

Plus de deux milles habitants de Menzel Bouzayane (280 km au sud de Tunis) ont participé à cette manifestation, décrite comme "très violente" par M. Fadhel.

Dans un communiqué diffusé par l'agence gouvernementale TAP, le ministère de l'Intérieur affirme que "des groupes d'individus ont incendié la locomotive d'un train et mis le feu à trois véhicules de la garde nationale, avant d'attaquer le poste de la garde nationale de la ville".

Après avoir essayé de les dissuader, des agents de la garde nationale ont été amenés "à recourir aux armes dans le cadre de la légitime défense", selon la même source.

M. Fadhel a indiqué que des renforts de police dépêchés de Sidi Bouzid, ont encerclé la ville de Menzel Bouzayane en en interdisant les accès ajoutant que les forces de l'ordre ont procédé à une vague d'arrestation.

La région de Sidi Bouzid est en proie à des troubles sociaux à la suite d'une tentative de suicide d'un Tunisien de 26 ans, diplômé de l'université.

Le 17 décembre, Mohammed Bouazizi, vendeur ambulant de fruits et légumes, s'est fait confisquer sa marchandise par la police municipale, n'ayant pas les autorisations nécessaires.

Désespéré, le jeune homme s'était aspergé d'essence pour s'immoler par le feu. Grièvement brûlé, il a été transféré dans un centre médical près de Tunis.

Ce premier incident a provoqué des protestations qui ont dégénéré en affrontements entre la police et des habitants.

Le pouvoir avait affirmé que ces heurts n'étaient qu'un "incident isolé" et dénoncé leur exploitation à des fins politiques "malsaines" par l'opposition.

Le 22 décembre, un jeune Tunisien de Sidi Bouzid, s'était électrocuté au contact de câbles de haute tension après avoir escaladé un poteau électrique en criant qu'il ne voulait "plus de misère, plus de chômage", selon Ali Zari, un dirigeant syndicaliste.

Le ministre de Développement, Mohamed Nouri Jouini s'est déplacé jeudi à Sidi Bouzid, pour annoncer des mesures présidentielles pour la création d'emplois et le lancement de projets d'un montant de 15 millions de dinars (1 dinar= 0,52 euro).

Lors d'une conférence de presse, le Parti démocratique progressiste (opposition légale) a appelé vendredi à mettre fin à la compagne d'arrestation et à l'ouverture d'un dialogue avec les composantes de la société civile et les jeunes chômeurs.
En solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid, des militants de droits de l’homme, des syndicalistes et des étudiants se sont rassemblés, samedi25 décembre, place Mohamed Ali à Tunis. Voici quelques vidéos prises par Azyz Ammami lors de ce rassemblement.
Au même moment, une manifestation de solidarité avait lieu à Paris. Vidéo de nawaat.org.
Commentaires
Tunisie/Sidi Bouzid, non à un développement à deux vitesses
par HJ, GlobalNet, 20/12/2010

La région de Sidi Bouzid a vécu le week-end dernier quelques remous, au lendemain de la tentative de suicide d’un jeune commerçant ambulant, diplômé de l’université, rapportent les agences de presse internationales.

Rongé par le désespoir, le jeune homme, âgé d'une vingtaine d'années, a tenté de s'immoler par le feu après s'être aspergé d'essence devant le siège du gouvernorat. Atteint de brûlures graves, il a été transporté à l'hôpital où il est "entre la vie et la mort". Un drame qui a mis cette ville du Centre-ouest de la Tunisie, à 265km de Tunis, dans l’émoi, et provoqué la colère de ses habitants, à en croire l'AP et Reuters.

Ce drame social regrettable pose encore une fois la problématique du développement régional en Tunisie, voire du modèle de développement dans son ensemble adopté depuis des décennies dans notre pays, qui a longtemps favorisé la capitale et les villes côtières aux dépens des régions de l’intérieur. Puisque, les efforts qui y sont consentis n’ont pas encore produit des résultats escomptés, et ces régions, notamment celles du Centre-ouest, sont encore dépourvues d’un tissu économique digne de ce nom, et souffrent d’un fort taux de chômage, dépassant de loin le taux national qui est aux alentours de 13.3%.

De nombreuses études menées, pour le compte du gouvernement, montrent le hiatus qui  ne cesse de se creuser entre les différentes régions de la Tunisie. La majeure partie des investissements et des projets est concentrée à Tunis et sur le littoral, là où il y a toutes les commodités et l’infrastructure de base, aux dépens des villes de l’intérieur dont les besoins en termes de développement socio-économique restent, grosso modo,  insatisfaits.

La décentralisation des universités, en ce sens que la majorité des régions sont d’ores et déjà dotées d’un établissement d’enseignement supérieur, n’a pas été accompagnée par une décentralisation au niveau des capitaux, et des projets.

Le Centre-ouest, dont Sidi Bouzid, qui reste le plus grand pourvoyeur de migrants pour le pays, est en train de se vider de ses jeunes, voire de ses forces vives qui préfèrent mettre le cap sur d’autres régions, du Centre-est notamment,  où ils estiment avoir plus de chances de trouver un  emploi et de construire un avenir, sans plus jamais revenir. Cette région connait un solde migratoire négatif de -36.9%, à en croire la dernière enquête de l’INS sur la population et l’habitat. Au cours du quinquennat 2004-2009, 45.2 mille personnes ont quitté le Centre-ouest, contre 8.3 mille qui s’y sont installées.

Éminemment agricole, la région demeure confrontée à un taux de chômage important, et ses jeunes ont toutes les peines du monde à intégrer  la vie active. Comment éviter que ces jeunes ne sombrent dans la désespérance. Et bien, il faut impérativement leur mettre le pied à l’étrier, et les doter des attributs d’une vie décente, génératrice d’équilibre et de paix sociale.

Il est temps de revoir en profondeur notre modèle de développement et le découpage administratif du pays, comme le préconisent instamment de nombreux économistes, au vu des disparités régionales qui vont grandissantes. Sidi Bouzid est une région agricole et d’élevage, un atout qui reste à préserver et à développer, selon une stratégie agricole viable à même de contribuer à la sécurité alimentaire de la région, et du pays. Mais, elle ne peut pas continuer à vivre de la seule agriculture. Il faut qu’elle soit dotée d’un tissu économique incluant les secteurs industriel et tertiaire. Il serait ainsi opportun d’y développer des unités d’industrie agro-alimentaires, ou autres usines qui soient adaptées à sa vocation et son positionnement géographique.

On entend toujours dire dans le discours officiel, que des réseaux routiers et autoroutiers seront érigés dans les coins et recoins de la Tunisie, pour désenclaver les régions de l’Intérieur, dont celles du Centre-Ouest, et les arrimer à la locomotive de développement intégral. Sauf que ces régions ont des préoccupations immédiates qui méritent des réponses urgentes. Il ne s’agit pas de planifier des projets à l’horizon de 2030 ou 2050. Les jeunes de Sid Bouzid, et d’autres régions de la Tunisie, ont à cœur de construire leur avenir dès aujourd’hui. Ils souhaitent gagner leur vie, fonder un foyer, avoir un rôle actif dans la société, contribuer et  profiter du développement de leur région. Ils en ont assez d'être en quelque sorte des laissés-pour-compte.

Un changement du calendrier et des priorités de développement s’impose. On a bien introduit les plans de développement dits mobiles (ou glissants) pour réadapter le processus de développement aux mutations nationales et internationales. Qu’une partie de ces fonds soit débloquée en faveur de ces régions en mal d’essor. Nos compatriotes de l’Intérieur ne demandent pas la lune, ils ont juste besoin d’avoir des raisons de garder espoir, de rester chez eux, et de vivre en toute tranquillité.

L’Etat doit assumer son entière responsabilité. Il doit doter ces régions des commodités nécessaires et y créer une plateforme propice afin qu’elles puissent polariser les investissements, et être un vivier de production et de création de richesses. C’est seulement ainsi que le secteur privé daignera  tourner son regard vers l'arrière-pays pour y lancer des projets et créer des emplois.

La Tunisie est un petit pays d’à peine 164 mille km2, et d’un peu plus de dix millions d’habitants. Tout Tunisien est en droit d’aspirer à une vie digne, et d’exiger un partage équitable des fruits de la croissance. 



Bonus détente
"Le chômage n’est pas un problème politique"...!!!
En prime, nous vous offrons l'inimitable éditorial du quotidien "indépendant" Le Temps de Tunis, qui se passe de tout commentaire.

Revendications de jeunes…

 Raouf KHALSI - raoufkhalsi@letemps.com.tn - Il est difficile aujourd’hui d’être jeune. C’est le problème du millénaire. De surcroît le combat contre le chômage est le défi majeur du millénaire. On voit partout, même dans les pays les plus riches, ces images de précarité, ces expressions de désespoir, qu’amplifie d’ailleurs un certain questionnement existentiel.

Que des jeunes manifestent à Sidi Bouzid pour crier leur rage face à des horizons qui ne s’éclaircissent pas à leurs yeux, cela s’inscrit dans l’ordre normal des choses.

Et quelque part, c’est également  le signe d’une société dynamique, même si ces manifestations de mécontentement ne doivent pas déborder de leur cadre et ne doivent surtout pas être instrumentalisées. Il ne s’agit guère de problème politique. Car le chômage n’est pas un problème politique, mais un problème social et économique. Chercher à le détourner de ces normes basiques, c’est déjà  le dénuer de sa substance. Et, surtout, ce serait lui voler sa légitimité  revendicative.

Soixante dix mille postes à créer chaque année : l’Etat s’y attèle (sic). Tout les programmes, le plan quinquennal et, surtout, toute la dimension du programme  présidentiel ont pour point de départ et point d’arrivée cet objectif titanesque, et pour valeur cardinale l’exclusive adéquation  entre le social et l’économique.

Sans doute, peut être, le progrès intégral n’est-il pas encore réalisé  car le Changement a hérité de disparités régionales très  marquées, par ailleurs accentuées par un certain centralisme étatique des temps de l’ancien régime. Mais ce qui est sûr, c’est que le développement régional est incontournable et qu’il lui faudra du temps pour réaliser  le rééquilibrage. Pour cela, il faudra que nous nous sentions tous concernés par les aspirations des jeunes. Le secteur public doit être plus transparent et le privé doit inspirer plus de confiance. En tous les cas, il faut bien écouter ces jeunes. Les écouter c’est déjà instaurer le dialogue et leur faire éviter les dérives et l’instrumentalisation politicienne. Les jeunes sont en effet la solution et non le problème. Et le premier à le dire c’est bien Ben Ali.
Source : http://www.letemps.com.tn/article.php?ID_art=51285

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