dimanche 31 janvier 2010

Un modèle agricole pour nourrir le monde

Le modèle zéro faim
par Devinder SHARMA देविंदर शर्मा, 8/1/2010 . Traduit par Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : A farming model to sustain the world

Dans 10 ans, en 2020, l’agriculture indienne et toute l’agriculture mondiale peuvent être transformées en un système sain et viable où les suicides de petits paysans appartiendront au passé, où la misère et le désespoir auront fait place à la fierté d’être agriculteur, où l’agriculture sera véritablement durable, sur le long terme et n’accroîtra pas le réchauffement global.
L’année 2010 voit le début d’un scénario pour une agriculture future qui ramènera le sourire sur le visage des paysans sans laisser de plaies dans l’environnement.
     Une petite initiative lancée il y a six ans dans un village inconnu du district de Khamam a été reprise désormais dans 21 districts de l’Andhra Pradesh sur une surface totale de plus de 800 000 ha. Je me souviens de la première fois où j’ai parlé du miracle réalisé par le village de Pannukula dans l’Andhra Pradesh, et de tous ceux qui croyaient que j’essayais de faire dans le romantisme rural.  Comment faire de l’agriculture sans pesticides chimiques, m’a-t-on demandé à plusieurs reprises.
     Pannukula a ouvert le premier sillon qui s’élargit finalement en un large sentier lumineux. Au cours des quatre années suivantes plus de 318 000 paysans dans 21 des 23 districts de l’Andhra Pradesh ont abandonné l’emploi intensif d’intrants chimiques dans la culture et sont passés  à une agriculture durable, économiquement viable et adaptée aux impératifs écologiques. Une révolution silencieuse est en marche. À Kharif, en 2009, environ 560 000 ha étaient cultivés selon le modèle connu sous le nom de Community Managed Sustainable Agriculture ( CMSA : Agriculture communautaire durable).
     Au moment où j’écris ceci - la première semaine de l’année 2010 - cette expérience s’est étendue à 800 000 hectares des 21 districts. L’agriculture sans pesticides et renonçant progressivement aux engrais chimiques a gagné 240 000 ha, et cela en quelques mois: un record sans précédent. Et sans aucune incitation gouvernementale ou du secteur privé. Je ne vois aucune raison qui empêcherait ce système d’agriculture durable, écologiquement sûr et bon pour les paysans, de gagner dans les 10 années  qui viennent 80 millions d’hectares supplémentaires dans tout le pays, si le gouvernement les prend au sérieux. ?
     Dans 10 ans, en 2020, l’agriculture indienne peut être transformée en un système sain et dynamique, où les suicides de petits paysans appartiendront au passé, où la misère et le désespoir auront fait place à la fierté d’être agriculteur, et où l’agriculture sera devenue un système soutenable à long terme et ne conduisant pas à un changement climatique.
    

 Ce qui au début n’était qu’une expérience destinée à introduire un mode de culture sans pesticides chimiques conduit maintenant à renoncer aux engrais chimiques. On utilise un mélange de technologies éprouvées scientifiquement, de savoirs locaux et de sagesse traditionnelle. Les paysans remplacent les pesticides et les engrais chimiques par un mélange de cultures bactériennes, l’usage intensif de techniques de compostage, le lombricompostage, et utilisent des engrais biologiques et des extraits de plantes contre les nuisibles.
     Ces pratiques ont complètement transformé l’agriculture conventionnelle et garanti la sécurité et la stabilité des moyens de subsistance. Les rendements n’ont pas changé, les dommages causés par la vermine ont très fortement baissé et le sol recouvre sa fertilité naturelle. Et comme celle-ci augmente d’année en année, les rendements ont continué à croître. Plus important encore: les problèmes de santé des agriculteurs, liés à l’emploi des pesticides, ont baissé de 40% en moyenne.
     Les paysans disposent maintenant de plus d’argent. Les coûts à l’hectare ont diminué de 33%. Un paysan CMSA économise par exemple plus de 12 500 roupies à l’hectare [1 roupie=environ 0,0152 €, soit 100 roupies=environ 1,5 €, NdT] en cultivant du coton sans pesticides. Les rendements demeurant pratiquement les mêmes, les planteurs de coton revivent littéralement. Et l’environnement est devenu plus sain et plus sûr.
      Normalement l’achat de pesticides représente 56% des frais de revient de la culture du coton. Et n’oublions pas que 70% des paysans qui se suicident, au niveau de l’État ou du pays, sont des planteurs de coton. Mais dans les régions où l’on est passé au nouveau système, sans pesticides, il n’y a eu aucun suicide.
      Plus d’argent pour les paysans c’est aussi moins d’endettement. Le seul village dans tout le pays et durant les 30 années où j’ai travaillé sur l’agriculture que j’ai vu à même de libérer en trois ans seulement la totalité de ses terres des hypothèques qui les grevaient, c’est le village de Ramachandrapuram , district de Khamam, où les 75 paysans ont même remboursé les arriérés.
     Selon des enquêtes menées dans 5 districts, au moins 386 familles, sur les 467 qui avaient hypothéqué leurs terres,  les ont libérées en 2 ans.
     C’est un exemple à suivre pour l’avenir de l’agriculture indienne et mondiale. Non seulement il ouvre une voie soutenable avec une empreinte carbone minimale, mais il offre un énorme potentiel dans la lutte contre la pauvreté et la faim. Il s’est clairement avéré que l’autoconsommation alimentaire des ménages s’est améliorée: 40% d’achats en moins effectués sur les marchés. Les récoltes ont augmenté, et maintenant les paysans peuvent même obtenir deux récoltes par an. C’est le modèle zéro faim, et selon moi il doit être adopté dans le « National Food Security  Act » (Loi de sécurité alimentaire nationale ) en projet.
     Des groupes d’entraide de femmes et de paysans jouent un rôle important au sein de la CMSA. L’épargne s’est accrue, et une fédération de 850 675 groupes rassemble désormais 10 millions de femmes appartenant à des ménages pauvres. Cette fédération dispose d’un capital de 1,5 milliards de dollars US et offre tout un éventail de prestations économiques. Rien d’étonnant à ce que l’agriculture soutenable sans subventions extérieures soit à même de révolutionner les régions rurales et de vaincre la faim et la pauvreté.

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