lundi 2 novembre 2009

Honduras: une improbable solution


par Atilio BORÓN, 1/11/2009. Traduit par Gérard Jugant, révisé par Michèle Mialane et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala 
Original: Honduras: una improbable solución

English:  An improbable solution
Sur l’auteur
La crise au Honduras est-elle résolue? Si une fenêtre d’opportunités s’est bien ouverte tout parait indiquer que l’optimisme n’est pas vraiment de mise. Il convient de rappeler ce que nous disions dans ces mêmes colonnes au moment du coup d’État: que Micheletti restera au pouvoir dans la mesure où il pourra compter sur l’appui, actif ou passif, de Washington. La Maison Blanche a attendu quatre mois pour comprendre le coût élevé d’un soutien à un régime putschiste dans la région. Pressée par les divers problèmes qu’elle affronte dans sa politique extérieure - notamment la rapide détérioration de la situation en Afghanistan et au Pakistan et l’embourbement de ses troupes en Irak- Obama a donné un coup de barre qui a décoiffé sa Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, principal artisan de l’appui aux putschistes, en envoyant Thomas Shannon à Tegucigalpa avec pour mission de restaurer l’ordre dans sa tumultueuse arrière-cour. Peu après, Micheletti remisait ses fanfaronnades et acceptait docilement ce qu’il avait refusé jusque-là. Bien entendu, Shannon avait transmis peu auparavant l’impératif catégorique impérial. Pour adoucir le coup il a proclamé bien haut son admiration pour les deux leaders de la démocratie hondurienne: le putschiste et le destitué.

Zelaya propose un programme en trois points: sa réintégration dans ses fonctions, une loi d’amnistie et un gouvernement de réconciliation nationale. La première est du ressort du Congrès, le même organisme qui a approuvé avec enthousiasme le coup d’État et ne se prive pas d’insulter Zelaya et de le calomnier. Il faudra voir, mais ce ne sera pas simple. Amnistie, pour qui? Pour les fonctionnaires civils et militaires d’un gouvernement qui a violé les droits humains et toutes les libertés?  Ou Zelaya accepterait-il d’être amnistié pour des délits qu’il n’a pas commis, par exemple avoir eu l’audace de prétendre demander à son peuple s’il était d’accord pour convoquer une Assemblée constituante? Ceci pour ne rien dire de la troisième clause, intimement liée à la précédente. Dans les conditions actuelles, un gouvernement de réconciliation nationale ne serait-il pas en effet un passeport pour l’oubli, le refus de mémoire, l’impunité?

Un bilan sommaire de la crise et de son apparente résolution révèle que les putschistes peuvent se sentir satisfaits parce qu’ils préserveront leurs deux principaux objectifs: destituer Zelaya, bien qu’il doive assumer à nouveau sa charge pour les quelques mois qui restent jusqu’à la fin de son mandat; et avoir réussi à faire reconnaître par la communauté internationale les élections frauduleuses du 29 novembre, chose dont Shannon lui-même s’est charge. Quant à l’oligarchie hondurienne, elle échappe au danger d’une agression plus active  des USA en direction de ses propriétés et privilèges, ce qui aurait pu arriver si un accord n’était pas intervenu.  La possibilité d’un contrôle plus strict exercé par Washington sur ses actifs et fonds aux USA l’empêchait de trouver le sommeil, et l’intransigeance de Micheletti devenait une menace inutile pour ses intérêts.

Pour Zelaya le bilan s’avère beaucoup plus complexe, et c’est précisément ce qui assombrit le panorama hondurien. Sa réintégration ne change rien aux causes profondes du coup d’État. De plus, en pareil cas, ne confirmera-t-elle pas les résultats d’élections lourdement entachées de très graves irrégularités et dont la campagne s’est déroulée dans un climat de violence et de terreur imposé par les putschistes? Micheletti fait déjà retentir les tambours de guerre. A peine l’accord était-il conclu qu’il a déclaré à CNN en español qu’une fois revenu au pouvoir “Zelaya et les siens vont sûrement lancer une chasse aux sorcières. Seuls ceux qui ne connaissent pas Zelaya peuvent croire que cela n’ aura pas de suites”. Quelle sera la réponse de Zelaya au cas où il reviendrait au gouvernement: amnistier les putschistes, se réconcilier avec eux, tomber dans les bras de Micheletti ? Mais il est loin d’être l’acteur unique de ce drame: comment réagiront les héroïques militants qui ont risqué leur vie et leur intégrité physique pour défendre le gouvernement légitime?  Il y a eu beaucoup de morts et de blessés; de gens emprisonnés et humiliés: ces femmes et ces hommes qui sont descendus dans les rues du Honduras accepteront-ils l’oubli de tant de crimes et le pardon accordé à leurs assassins ? En outre, s’il est bien une leçon que les mouvements sociaux et les forces populaires ont tirée de ces quatre mois de résistance, c’est que s’ils s’organisent et mobilisent leurs forces ils peuvent avoir un impact beaucoup plus décisif qu’ils ne l’imaginaient auparavant . La crise leur a d’un seul coup enseigné qu’ils peuvent cesser d’être des objets de l’Histoire pour se transformer en sujets et protagonistes de celle-ci. Et pour cette raison, au-delà des retombées de cet accord, ils peuvent décider de poursuivre leurs luttes pour un Honduras différent, ce qui ne saurait être le fruit d’injustes amnisties et de réconciliations bâtardes.

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