mardi 15 septembre 2009

Je suis aujourd'hui un prisonnier politique de Barack Obama

par Leonard PELTIER, 11/9/2009. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : 09/11/09 STATEMENT FROM LEONARD PELTIER REGARDING DENIAL FOR HIS PAROLE
Sur l’auteur
La libération conditionnelle de Leonard Peltier, le militant amérindien Anishinaabe/Lakota, membre de l'American Indian Movement, emprisonné depuis 1977 pour la mort de deux agents du FBI dans la réserve de Pine Ridge, vient d’être refusée après que les autorités ont décidé que le remettre en liberté – comme le permet la loi - diminuerait la gravité de son crime.
Bien qu’il ait reconnu avoir été présent lors des incidents ayant débouché sur ces morts violentes, en juin 1975, Leonard Peltier a toujours nié avoir tué les deux hommes et a répété, lors de ses nombreux procès en appel, avoir été victime d’un coup monté par le FBI. Peu après les événements, il avait fui au Canada, avant d’être extradé en 1976 vers les USA.
Peltier ne sera pas admissible à une libération conditionnelle avant... juillet 2024. Il aura alors 79 ans.
Considéré comme l’un des plus anciens prisonniers politiques du monde. Leonard Peltier est, pour nombre d’Amérindiens, un symbole de la lutte et de la résistance autochtone.
Voici sa déclaration rendue publique le 11 septembre, à la veille de son 65ème anniversaire.

Le département usaméricain de la Justice a de nouveau fait de son appellation arrogante et prétentieuse un objet de risée.

Après avoir fait libérer un adepte authentique et persistant de Charles Manson, leader d’un culte de la mort, qui avait tenté d’assassiner le président Gerald Ford, un terroriste croate reconnu, ainsi qu’un autre auteur d’une tentative d’assassinat contre le président Ford, en application de la loi sur les mises en liberté obligatoires après 30 ans de réclusion, la Commission US des mises en liberté conditionnelle (Parole Commission) a estimé que ma libération « ferait la promotion d’un manque de respect pour la loi »

Si seulement le gouvernement fédéral avait respecté ses propres lois, pour ne pas parler des traités qui sont, en vertu de la Constitution US, la loi suprême du pays, je n'aurais jamais été condamné ni forcé de passer plus de la moitié de ma vie en captivité. Sans parler du fait que toute loi dans ce pays a été créée sans le consentement des peuples premiers et qu’elle est appliquée de manière inégalitaire à nos dépens. Mon expérience devrait pour le moins remettre sérieusement en cause la compétence juridique douteuse du FBI sur les terres indiennes.

La phrase de la Commission était une citation de la formule employée par le futur ex-Procureur fédéral Drew Wrigley, qui apparemment espère conquérir le poste de gouverneur du Dakota du Nord à la tête de la cavalerie du FBI.
Ce faisant, il marche sur les traces de William Janklow, qui a construit sa carrière politique sur sa réputation de chasseur d’Indiens, passant du poste de procureur tribal (et violeur présumé d'une mineure indigène) à celui de Procureur général de l'État, puis de gouverneur du Dakota du Sud et de membre du Congrès. Certains se souviendront que Janklow avait revendiqué la responsabilité d’avoir dissuadé Président Clinton de m’accorder le pardon avant d’être reconnu coupable d’homicide (et démis de sa charge au Congrès). Le prédécesseur historique de Janklow, George Armstrong Custer, espérait de même qu’un massacre glorieux de Sioux le propulserait à la Maison Blanche, et nous savons tous ce qui lui est arrivé.

Contrairement aux barbares qui réclament mon sang dans les couloirs du pouvoir, les peuples premiers sont de vrais humanitaires : nous prions pour nos ennemis. Mais nous devons être assez réalistes pour nous organiser afin de gagner notre propre liberté et l'égalité en tant que nations. Nous constituons 5% de la population du Dakota du Nord et 10% de celle du Dakota du Sud et nous pourrions utiliser cette influence pour promouvoir notre propre pouvoir sur les réserves, où nous devrions nous concentrer. Si nous étions organisés comme un bloc électoral, nous pourrions défaire la base même de la compétition entre Dakotas pour savoir qui est le plus raciste. Dans les années 1970 nous avons été obligés de prendre les armes pour affirmer notre droit à la survie et l'auto-défense, mais aujourd'hui, la guerre n’est qu’une idée parmi d’autres. Il nous faut maintenant résister à l'oppression et la colonisation armées avec nos corps et nos esprits. Le droit international est de notre côté.

Compte tenu du profil de ces trois détenus fédéraux mis en liberté conditionnelle récemment, il pourrait sembler que mon plus grand crime est d’être un Indien. Mais la vérité est que mon plus grave crime est d’être innocent. En Iran, les prisonniers politiques sont parfois libérés s'ils s’avouent coupables des accusations ridicules pour lesquelles ils sont traînés en justice, afin de les discréditer et de les intimider, eux et les citoyens qui pensent comme eux.

Le FBI et ses commis ont suggéré la même chose, tout comme la Commission des mises en liberté conditionnelle, lorsqu’elle a décidé en 1993 que mon refus d'avouer motivait son refus de libération conditionnelle.



"Obama ! Le changement et l'espoir, pour les Indiens américains, commence par la liberté de Leonard Peltier" (Manifestation de l'AIM, American Indian Movement)

Se proclamer innocent, c’est suggérer que le gouvernement a tort, si ce n’est qu’il est lui-même coupable. Le système judiciaire usaméricain est configuré de telle sorte que l’accusé n'est pas condamné pour le crime lui-même, mais pour avoir refusé d'accepter un quelconque plaidoyer de marchandage (reconnaissance préalable de culpabilité) et pour avoir osé contraindre le système judiciaire à lui reconnaître le droit de rejeter les charges retenues contre lui dans un procès. Une telle insolence est invariablement punie par des réquisitions du ministère public en faveur de peines maximales, quand il n’exclut pas carrément l’échelle de peines proposées par le tribunal dans ses directives, ainsi que toute possibilité de mise en liberté conditionnelle.

Pour autant que les non-autochtones détestent les Indiens, nous sommes tous dans le même bateau.

Tenter de copier ce système au sein de l’administration tribale est pitoyable, pour le moins.

Ce n'est que cette année, dans l’affaire Troy Davis, que la Cour suprême a reconnu la proclamation d’innocence comme un moyen de défense juridique légitime. Comme les témoins qui ont été contraints de témoigner contre moi, ceux qui ont témoigné contre Davis ont renoncé à leurs déclarations, et pourtant Davis a frôlé a mise à mort. J’aurais pu moi-être exécuté, si le gouvernement du Canada n’avait mis comme condition à mon extradition une renonciation à la peine de mort.

L'ordre ancien est bien représenté par le juge Antonin Scalia de la Cour suprême, qui a déclaré dans son avis dissident dans le cas Davis : " "Cette Cour n’a jamais considéré que la Constitution interdit l’exécution d’un accusé reconnu coupable qui a eu un procès complet et équitable mais a ensuite été en mesure de convaincre un tribunal d’habeas corpus qu’il est « effectivement » innocent. Bien au contraire, nous avons à plusieurs reprises laissé la question sans réponse, tout en exprimant des doutes importants sur le fait qu’une quelconque proclamation d’ « innocence effective » alléguée puisse avoir valeur constitutionnelle. »

L’estimé sénateur du Dakota du Nord , Byron Dorgan, qui est actuellement le président de la Commission permanente du Sénat aux Affaires indiennes, a utilisé sensiblement le même raisonnement lorsqu’il a écrit que «notre système juridique a jugé Leonard Peltier coupable du crime dont il était accusé. J'ai passé en revue les actes du procès, et je pense que le verdict était équitable et juste ».

Pour les autochtones, c'est une déclaration bizarre et incompréhensible tout comme l’est l’assertion que l'innocence et la culpabilité ne sont qu’un simple statut juridique, pas nécessairement ancré dans des faits matériels.

C'est un truisme de dire que tous les prisonniers politiques ont été reconnus coupables des crimes dont ils étaient accusés.

La vérité est que le gouvernement veut obtenir de moi une fausse confession dans le but de valider une opération qui était un coup monté plutôt bâclé, dont l’exposition publique pourrait ouvrir la porte à une enquête sur le rôle des USA dans la formation et l’équipement de milices de goons [Guardians of the Oglala Nation, milice mise en place par Dick Wilson président du conseil tribal de la réserve oglala-lakota de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, en 1972 ; goon signifie aussi jaune, au sens de briseur de grève, NdT] pour éliminer le mouvement de base contre la dictature fantoche à Pine Ridge [le conseil tribunal corrompu de la réserve, NdT].



En Usamérique, il ne peut par définition pas y avoir de prisonniers politiques, mais seulement des gens dûment jugés coupables par un tribunal légal. Il est jugé trop controversé ne serait-ce que d’envisager publiquement que le gouvernement fédéral pourrait fabriquer et supprimer des preuves pour provoquer la défaite de ceux qu’il considère comme ennemis politiques. Mais c'est un fait démontrable à chaque étape de mon affaire.

Je suis aujourd'hui un prisonnier politique de Barack Obama, et j'espère et je prie pour qu’il adhère aux idéaux qui l’ont poussé à briguer la présidence. Mais, comme Obama lui-même pourrait le reconnaître, si nous l'attendons pour résoudre nos problèmes, nous passerons à côté du message de sa campagne. C’est seulement en nous organisant dans nos propres communautés et en faisant pression sur ceux qui sont censés être nos dirigeants que nous pourrons susciter les changements dont nous avons tous un tel besoin.
S'il vous plaît soutenez le
Leonard Peltier Defense Offense Committee dans notre effort pour amener le gouvernement des USA à respecter sa propre parole

Je vous remercie, vous tous qui êtes restés à mes côtés pendant toutes ces années, mais nommer qui que ce soit en exclurait bien d’autres

Nous ne devons jamais perdre l'espoir dans notre lutte pour la liberté.

Dans l'esprit de Crazy Horse,
Leonard Peltier

Leonard Peltier #89637-132
USP-Lewisburg
US Penitentiary
PO Box 1000
Lewisburg, PA 17837
USA



Retour à la maison après le bain de bébé, (Huile, 2009), 24" X 15", par Leonard Peltier

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