vendredi 17 octobre 2008

Lettre d’adieux à Van Walsum

par Salka Embarek

Début septembre, le diplomate néerlandais Peter Van Walsum a démissionné de son poste d'envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara occidental, qu’il occupait depuis 3 ans. Il a été remplacé par Warren Christopher. Voici une lettre que lui a écrit la poétesse et militante sahraouie Salka Embarek.


L’ingénue franchise et le présumé soulagement de conscience politique de l’ancien représentant personnel du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara Occidental, Peter Van Walsum, même s’il l’a plutôt été pour le Maroc, position qu’il a décidé d’adopter trois ans après avoir pris son poste– car, d’après lui, «si le Conseil [de Sécurité] avait été prêt à imposer une solution (…)» son analyse aurait été toute autre -, l’ont poussé à exprimer des pensées aussi subjectives que contradictoires auxquelles nous nous sommes vus obligés de répondre tout en lui demandant des explications. L’imbroglio et les inepties sont d’une telle ampleur que l’on en vient à se demander si son intention n’était pas de semer la confusion, de tromper ceux qui lui faisaient confiance et de discréditer encore plus, si cela est possible, l’ONU en critiquant la passivité de cette organisation dans la non-application ses propres résolutions en ce qui concerne le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination.


C’est qu’arrivé à ce moment de sa vie, après s’être discrédité lui-même et après avoir souillé son prestige publiquement avec une incohérence propre à un novice nouveau facilement manipulable, il ne peut pas justifier son travail dans lequel il a nagé à contre-courant tout en reconnaissant que la légalité est du côté du POLISARIO, c’est-à-dire du peuple sahraoui, alors que le Maroc se montre plus implacable, se comportant comme un chien de manchon de certains membres du Conseil de Sécurité.


Pourquoi ne dites-vous pas les choses comme elles sont? Pourquoi ne cessez-vous pas de faire du remplissage dans vos discours et ne vous concentrez-vous pas sur la vérité? C’est simple, M. Walsum, il suffit de se concentrer sur l’idée principale, de ne pas déséquilibrer la vérité, de faire preuve de courage pour reconnaître ce qui est juste, et sinon, de démissionner honorablement plutôt que de se vendre au plus offrant. Vous pourrez y parvenir, M. Walsum, en peu de mots, sans avoir besoin de donner des explications à contretemps, et évidemment de la manière la plus cohérente et la plus claire qui soit.


Le «problème du Sahara» n’est pas complexe, M. Walsum, mais dure depuis trop longtemps, surtout pour le peuple sahraoui, qui pendant ces derniers 33 ans d’exil a vu mourir nombre de ses enfants, en vu naître d’autres dans des pays qui ne sont pas les leurs et qui est fatigué d’entendre des personnes comme vous affirmer que «rien ne changera». Car les choses changent, il suffit de le vouloir, et le peuple sahraoui le veut. Il veut revenir chez lui, il veut rentrer et grandir dans le pays de ses ancêtres, il veut vivre en liberté dans un État souverain et démocratique, il veut décider de son avenir, que ses droits comme êtres humains et comme peuple ayant une identité nationale propre soient respectés. Et lorsqu’un peuple veut cela et se sait dans son droit légitime, M. Walsum, je vous assure que rien ne le fera reculer. Insinuer que «si le POLISARIO renonçait à l’indépendance totale, il compterait sur un grand soutien international» constitue une offense et une marque de mépris à l’égard de notre peuple. Que n’avez-vous pas compris de tout ce que vous avez vu pendant ces trois dernières années? Car jusqu’à aujourd’hui plus de 80 pays reconnaissent la RASD (République Arabe Sahraouie Démocratique) ainsi que des centaines d’associations en Espagne et dans le reste du monde. Le peuple sahraoui et par conséquent le POLISARIO compte sur un grand soutien international dans sa lutte pacifique pour l’indépendance totale. Aucun pays du monde n’a accepté de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental.


Le conflit du Sahara n’est pas insoluble, Mr Walsum; ce qui se passe, c’est qu’il faut du courage pour admettre que le Maroc se moque de la Communauté Internationale, des résolutions de l’ONU et que sa proposition d’autonomie, outre le fait qu’elle est inadmissible, n’est qu’une couverture pour détourner l’attention de la grave violation des droits de l’homme que subit le peuple sahraoui dans les Territoires Occupés depuis l’invasion marocaine, qui a provoqué la création de campements de réfugiés et des milliers de personnes déplacées sahraouies dans le monde.


Si les instances internationales manquent de force exécutive dans l’application des résolutions, comme vous le déclarez, il s’agit d’un problème de plus qui touche le peuple sahraoui et tous les peuples du monde; en plus de l’extrême gravité que cela implique, du fait de l’incapacité à nous défendre à laquelle nous sommes exposés et la frustration face au travail que ne font pas ces instances –et qu’elles devraient faire - pour mettre en pratique ce qu’elles disent. La faiblesse des Nations Unies est épuisante, mais cela n’est pas une raison pour céder à l’envahisseur génocidaire et pour renoncer à notre droit à la libre détermination.


Le Maroc s’y connaît peu en diplomatie mais beaucoup en prostitution politique, ou ce qui revient au même, en «Realpolitik». Si vous espérez que le peuple sahraoui plie devant ce gouvernement envahisseur et criminel, c’est que vous avez perdu la raison ou bien que vous êtes prêt à prendre votre retraite dans la demeure qui vous attend à Tanger, dans la même rue où se trouve celle de M. Pérez de Cuellar.


Le Peuple Sahraoui a déjà trop perdu, il a renoncé a beaucoup d’autres choses et pourtant il continue sa lutte avec les meilleures armes dont il puisse disposer: la vérité, la légalité et son souhait inébranlable d’être un peuple indépendant et libre.


Il est certain que les choses doivent changer: l’agresseur doit arrêter d’agresser, l’envahisseur doit rendre ce qui ne lui appartient pas et la loi doit faire régner la justice. Nous nous chargerons que ce qui adviendra soit bien fait.


Pour un Sahara libre,


Salka Embarek



"L’indépendance du Sahara occidental n’est pas une option réaliste"
Peter Van Walsum, devant le Conseil de Sécurité, 21 Avril 2008
Cette déclaration a suscité une vive protestation des responsables sahraouis. Le représentant du Front Polisario auprès de l’ONU, Ahmed Boukhari, a ainsi affirmé que l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU « a miné le principe de neutralité et de l’impartialité ».


Source : Carta de despedida a Van Walsum

Article original publié en Septembre 2008

Sur l’auteure

Traduit par Mohamed X. , révisé par Fausto Giudice,
Tlaxcala

Englis version : Farewell letter to Van Walsum

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